Édith Patenaude et Jocelyn Pelletier / Disparaître ici : Provoquer la catastrophe
Scène

Édith Patenaude et Jocelyn Pelletier / Disparaître ici : Provoquer la catastrophe

Il ne reste peut-être pas grand-chose de l’œuvre de Bret Easton Ellis dans la pièce Disparaître ici, et pourtant tout y est: le regard cynique, le mystère et, surtout, ce miroir peu flatteur tourné vers nous.

Écrite et mise en scène à quatre mains par Édith Patenaude et Jocelyn Pelletier, la pièce qui prendra l’affiche au Périscope en mars est née à la fois d’un hasard et d’une nécessité. «On aimait tous les deux Ellis avant même de se connaître. Pendant mes études en scénarisation cinématographique à l’UQAM, j’ai vu American Psycho et ça m’a beaucoup plus. Toi, Joce’, comment as-tu rencontré Bret?», lance d’entrée de jeu Édith. Son partenaire de création, grand lecteur de romans, explique qu’il avait envie de travailler l’œuvre d’Ellis depuis longtemps, mais pas seul. «Quand j’ai entendu ça, je me suis dit que je ne pouvais pas passer à côté de l’occasion», poursuit Édith. «Ce projet s’inscrit à la jonction de nos deux univers, ça a été facile de trouver le chemin du travail à deux. C’était euphorisant, comme être sur un high perpétuel.»

Les auteurs Jocelyn Pelletier et Edith Patenaude (Crédit: Caroline B. Boudreau)
Les auteurs Jocelyn Pelletier et Edith Patenaude (Crédit: Caroline B. Boudreau)

 

D’abord inspiré principalement des romans Lunar Park et Glamorama, qui contiennent une bonne part d’autofiction, le texte naissant de Disparaître ici s’éloigne peu à peu des écrits d’Ellis. «On a laissé de côté ses intrigues et ses personnages pour plutôt appliquer ses codes à notre univers. Il a une œuvre très cohérente: la première partie sert à t’engourdir par le divertissement, puis le cauchemar commence», expose Édith. «L’action de beaucoup de ses romans se passe à Hollywood, où tout le monde fait de la poudre… Le défi était de rendre son énergie crédible en la rapprochant de nous», rigole Jocelyn.

Dans Disparaître ici, donc, le lecteur assidu d’Ellis ne retrouvera pas Victor Ward ou Patrick Bateman, mais ne sera pas perdu pour autant: l’esprit cynique, voire cruel, le jeu de l’autofiction et le regard voyeur sont toujours là. On y suit un groupe de 10 amis qui tentent d’exister, anesthésiés, toujours en quête de nouveauté pour ressentir quelque chose, le portrait en quelque sorte d’une génération un peu perdue, à la limite de la psychose. «Ce n’est pas moralisateur du tout», précise Jocelyn. «On est les premiers coupables de ça!», ajoute Édith. Et comme dans tout bon roman d’Ellis, si l’intrigue est simple, le mystère n’est jamais loin. Dans la pièce, une série de disparitions, d’abord de vagues connaissances, puis d’amis qui se rapprochent, poussera les 10 amis au bord de l’abîme.

Le titre de la pièce ne fait pas référence qu’aux volatilisations. «On peut disparaître ici sans même s’en apercevoir», écrit Ellis dans Moins que zéro. Pour Édith et Jocelyn, c’est exactement ce que le spectacle exprime. «On met en scène des gens qui n’ont pas de prise sur leur vie, qui ont un certain dégoût par rapport à la réalité. Ce qu’on propose, c’est d’avoir un constat lucide, de provoquer la catastrophe pour en sortir. C’est un show dur, acide, mais on a tellement travaillé dans le plaisir que je ne peux pas croire que ça ne se rendra pas au spectateur!»

Du 10 mars au 28 mars

Théâtre Périscope