Entrevue avec Xavier Boisrond / Mois de l'histoire des Noirs : Pitch Black, ou l'art de monologuer dans l'obscurité
Scène

Entrevue avec Xavier Boisrond / Mois de l’histoire des Noirs : Pitch Black, ou l’art de monologuer dans l’obscurité

Pour clore les festivités du Mois de l’histoire des Noirs, le comédien Xavier Boisrond invite des slameurs, humoristes, musiciens et danseurs à se produire dans une salle plongée dans l’obscurité la plus totale. C’est Pitch Black, une expérience de déplacement des perceptions et des sensations. Entrevue.

Née d’un père haïtien et d’une mère québécoise (elle-même née de parents anglophones et francophones), Xavier Boisrond a l’habitude du métissage et de la réflexion sur les identités mixtes. Celui qui a notamment étudié le théâtre au Cégep Lionel-Groulx et qui se consacre désormais à l’écriture de monologues (pas vraiment du slam, dit-il) a réuni pour l’événement Pitch Black un groupe d’artistes aux origines variées, comme lui, incluant plusieurs Montréalais d’origine haïtienne. Dramatik, Samian, Sam I Am, Fabrice Koffy et Eddy King, notamment, vont se partager les planches et le micro pendant cette soirée hors-norme.

L’objectif? Performer dans le noir, dans une ambiance introspective baignée de musique, et expérimenter ainsi un nouveau rapport à la scène. «On se rattache ainsi au mois de l’histoire des noirs de manière conceptuelle, dit-il, sur un plan symbolique, mais on prend aussi  un chemin thématique dans l’identité afro-américaine, que chaque artiste va explorer à sa manière, dans une totale liberté.»

«C’est né, explique-t-il, d’un certain désabusement que je ressens vis-à-vis du slam, du stand-up et de la musique live. Je me suis dit qu’une manière d’explorer serait de ne pas permettre de voir l’artiste sur scène, de travailler une expérience qui serait davantage de l’ordre de l’audition et de la sensation. Il s’agit de développer un rapport différent à l’œuvre, au texte, à la performance. Ça dépersonnalise un peu l’art mais d’une autre manière ça permet de le recevoir de manière plus approfondie, en détruisant les à-prioris visuels qui prennent beaucoup de place dans notre réception d’un travail scénique.»

Xavier Boisrond, en somme, aime recevoir l’art de manière brute. Il veut stimuler la capacité d’écoute du spectateur, mais aussi la capacité du performeur à ressentir la salle, à vibrer avec elle, en travaillant la présence, avec une conscience aïgue du public.

Est-ce aussi une forme de résistance au spectaculaire? «Pas directement, répond-il. Mais il y a une volonté de revenir aux sources, de revenir à l’expérience brute du plaisir d’être sur scène ou d’être spectateur. J’exagère un peu, mais je peux presque dire, à partir de l’expérience de l’an dernier, que l’obscurité installe une ambiance quasi-sacrée. Ça change le rythme, ça crée une dimension ritualisante. Notre beatmaker, d’ailleurs, change son choix musical – on se rend compte que les chansons les plus up-tempo, les plus dynamiques, se prêtent moins bien à l’exercice. L’ambiance naturelle d’introspection qui se crée dans une salle obscure se combine mal avec des musiques criardes.»

Dans une perspective interdisplinaire, Xavier Boisrond et son équipe ajoutent une couche de complexité à leur événement cette année en ajoutant aux numéros de slam une dimension musicale plus soignée et en conviant des danseurs à se joindre à la fête.

Le 28 février à 20h à la salle Claude-Léveillé de la Place des Arts