Louise Lecavalier / So Blue : L'increvable tornade blonde
Scène

Louise Lecavalier / So Blue : L’increvable tornade blonde

Timide au téléphone, mais explosive sur scène devant les foules, la paradoxale Louise Lecavalier fascine depuis presque 37 ans. Entretien privilégié avec une icône de la danse contemporaine qui reste incroyablement humble devant le succès.

Lauréate du prix Jean A. Chalmers en 1999, officière de l’Ordre du Canada depuis 2008, personnalité chorégraphique de la saison 2010-2011 à Paris, récipiendaire d’un prix remis par le Gouverneur général l’an passé… Les honneurs pleuvent sur Louise Lecavalier et, pourtant, la principale intéressée avoue ne jamais avoir eu envie de se démarquer. «Je pense que ma volonté, au départ, c’était qu’on ne me remarque justement pas, parce que j’avais pas envie d’attirer l’attention particulièrement sur moi. […] J’ai pas pensé que ça m’arriverait, non plus, mais j’aime travailler dans l’ombre d’une certaine façon. Je pense que c’est la seule façon de travailler librement.»

Tout Québécois détenteur d’un téléviseur ou d’un réseau wi-fi le sait, ou du moins en a une vague conception: c’est avec La La La Human Steps, dans les années 1980, que Lecavalier a bluffé tout le monde, à commencer par les critiques spécialisés.

Ci-dessous, un extrait de la pièce très marquante Human Sex.

Sa collaboration avec Édouard Lock, étalée sur presque 20 ans, a marqué l’imaginaire collectif et la culture pop jusqu’à un certain point. Assez pour pousser David Bowie à l’intégrer à son spectacle, une invitation immortalisée sur YouTube 25 plus tard et sans cesse remise à l’avant-plan par les animateurs télé ou radio qui accueillent la danseuse en entrevue.

Sa perception, par contre, est tout autre. «Je suis désolée de le dire comme ça, mais pour moi, c’était juste un petit break dans ma vie habituelle de danseuse.» Un moment charnière? Pas tellement. Mais très certainement une expérience agréable, une chance inouïe. «C’est différent de la danse contemporaine, où les gens ne se précipitent pas pour voir un spectacle, convaincus de l’aimer.»

 

L’instant présent

Révélé au public en décembre 2012, So Blue est présenté par les diffuseurs comme «sa première création chorégraphie». Une demi-vérité, selon Louise Lecavalier. «Ce qui paraît dans les journaux et la réalité des choses, des fois, c’est pas exactement pareil. C’est plus facile de trancher entre le noir et le blanc dans le journal. Dans la réalité, c’est souvent des zones plus intermédiaires que ça.» Autrement dit: la ligne est parfois ténue entre interprète et chorégraphe. Louise n’a rien d’un pantin, d’une marionnette, et elle a toujours partagé ses idées avec Lock, Lachambre et les autres.

Cette fois, son partenaire c’est Frédéric Tavernini, un complice de longue date qui partageait la scène avec elle dans Cobalt Rouge de Tedd Robinson en 2005. «C’est un « bougeur » presque naturel, même s’il a toute une grosse technique en arrière de lui parce qu’il a fait toutes les écoles de ballets en Europe. Y a une super formation de danseur classique, mais y a une liberté dans son corps, une aisance, une fluidité.»

 

Black & Blue (mais pas le festival LGBT)

 

«Au début, je pensais à noir pour la pièce. Je pensais rock, dans le tapis la danse, sans compromis, extrême à mourir. C’était ma motivation de base pour partir en création, parce que ce que je vis, ce que je ressens, est extrême, et ce que je vois souvent en danse ne l’est pas souvent assez.»

Finalement, et après avoir passé d’innombrables heures en studio à expérimenter sur du Daft Punk, la tornade blonde s’est assagie – bien que le mot soit trop fort – au contact du compositeur turc Mercan Dede, qui mélange musique soufie et électro actuel. «Plus je l’ai écoutée, plus j’ai été happée par cette sonorité sensuelle. Je me suis mise à travailler la danse un peu autrement, tranquillement. Y a quelque chose de plus fluide dans le mouvement. Cette idée de bleu est arrivée, je pense, avec cette musique moyenne orientale qui apporte des nuances à tout.»

Même après plus de deux ans de tournée, So Blue est resté relativement fidèle à la version d’origine. Pas de changement drastique: un simple et subtil polissage a suffi, comme pour resserrer le spectacle. «C’est une pièce crue et brute. […] J’ai pas étiré une sauce longtemps. Dès qu’on trouve un truc, ça peut faire une pièce intéressante, d’étirer quelque chose pendant une heure et de le décliner de toutes les manières. Mais y a beaucoup de choses intéressantes dans cette pièce-là sur le plan de la gestuelle, déjà.»

Sur sa table à dessin? Une nouvelle création signée de sa plume qui sera dévoilée en grande première en Allemagne au mois de février 2016.

31 mars à 20h

Grand Théâtre de Québec