Collection printemps-été / Salomé Corbo : Femmes de parole
Scène

Collection printemps-été / Salomé Corbo : Femmes de parole

De Joyce Mansour à Brigitte Fontaine, les mots de poétesses de différentes époques sont convoqués par le metteur en scène Christian Vézina pour résonner sur la passerelle dans le spectacle Collection printemps-été. On en discute avec la comédienne Salomé Corbo.

Qu’y a-t-il donc dans l’air, à Montréal, pour que se multiplient les spectacles à teneur féministe et féminine, dont le but avoué est de renouveler le regard sur une population féminine dont le combat se poursuit tout en s’atomisant? Après Elles XXx, de Marie-Pier Labrecque et Mylène Mackay, et Je ne suis jamais en retard, de Markita Boies et Lise Roy, ou encore T’en souviens-tu, Pauline, d’Audrée Southière (qui reprend bientôt l’affiche à l’Espace Libre), voici venir Collection printemps-été, un happening poétique qui veut sublimer la parole de poétesses variées: Joyce Mansour, Hélène MonetteSuzanne JacobMarie ÉtienneAnanda Devi et Brigitte Fontaine. Elles sont Québécoises, Égyptiennes, Françaises ou Mauriciennes, pas  nécessairement militantes féministes, mais leurs écritures sont puissamment féminines, parfois révoltées, parfois amoureuses, parfois sociales.

«La parole des femmes n’est pas hautement valorisée dans la dramaturgie traditionnelle, analyse Salomé Corbo, et je pense que les quelques spectacles actuels qui tentent de faire entendre une nouvelle parole féminine sont une forme de retour du balancier, de réparation. Le théâtre est un lieu formidable pour aborder les tabous, ébranler le social, et je suis heureuse que ça se produise.»

Chacun des poèmes sélectionnés par le metteur en scène Christian Vézina et performés par les comédiennes Danielle ProulxElkhanna Talbi et Salomé Corbo exprime ainsi une sensibilité féminine unique, faisant son chemin dans les époques et dans différentes facettes de la parole féminine. «Christian Vézina aime les femmes passionnément, et il avait envie de rendre hommage à leur corps et à leur esprit. On interprète d’ailleurs ces mots-là en les sortant un peu du contexte social dans lequel ils ont été écrits, dans une volonté d’universaliser ces paroles puissantes qui sont destinées à traverser le temps.»

Il y a aussi une conjoncture favorable à la poésie sur scène, alors que de nombreux happenings poétiques, parfois créés dans l’esprit de la Grande nuit de la poésie de 1970, peuplent les programmations des différents théâtres de la ville. Christian Vézina est un habitué du genre, mais il cherche à théâtraliser la parole poétique à travers des emprunts à la forme du défilé de mode, dans une volonté «d’habiller la poésie par un travail sur le costume». «L’idée est d’imaginer des correspondances entre le mot et le vêtement et de créer des collections en rassemblant des poèmes autour de quelques lignes directrices, qui seront visibles dans les replis du vêtement.»

Salomé Corbo dit se reconnaître particulièrement dans les mots de Brigitte Fontaine, en raison de son «anticonformisme». «C’est merveilleux, conclut-elle, de voir qu’on est capables de ramener les poètes là où ils devraient être: dans le monde réel, dans un rapport familier avec les mots, dans une parole urgente qui doit être entendue.»

À l’Espace Libre du 24 mars au 11 avril