Simon Lacroix / Tout ce qui n'est pas sec : Humour, philosophie et étrangeté
Scène

Simon Lacroix / Tout ce qui n’est pas sec : Humour, philosophie et étrangeté

Onirique, étrange, sensoriel, décalé: ainsi définit-on le travail de Simon Lacroix, à défaut de trouver meilleur vocabulaire. Dans Tout ce qui n’est pas sec, le comédien remarqué dans Le projet bocal et la websérie Deep s’allie au metteur en scène Charles Dauphinais pour plonger ses personnages dans des mondes aquatiques.

Conjuguer étrangeté et réalisme: c’est l’objectif avoué de Simon Lacroix, une drôle de bête dans l’univers théâtral montréalais, dont le travail est assurément inclassable. Il accepte qu’on le dise «décalé» et «loufoque», mais il y a tout de même dans ses œuvres un regard sur les relations humaines et des personnages aux contours réalistes, ce qui le rapproche davantage, pourrait-on dire, des frères Kaufman. «Being John Malkovitch, dit-il, est ma référence absolue, parce que l’onirisme est campé dans un univers réaliste crédible. C’est exactement ce que je désire faire.»

Dans Le projet bocal, il inventait avec ses collègues Sonia Cordeau et Raphaëlle Lalande une forme théâtrale fragmentée qui explorait discrètement le paranormal, déformait la réalité et désynchronisait la temporalité. Plus tôt cette année, ils ont revisité le folklore québécois dans Oh Lord!, un spectacle musical gorgé de dérision. Dans la websérie Deep, même jeu: la réalité y est erratique et le monde se déploie en plusieurs versions, dans une constante instabilité mais dans un ludisme assuré. On retrouvera cet humour et cette manière unique de sortir du cadre dans Tout ce qui n’est pas sec, mais Lacroix annonce tout de même un changement de cap. Le metteur en scène Charles Dauphinais a invité le comédien à resserrer la dramaturgie, s’ancrant davantage dans un continuum narratif, et à approfondir les sketchs «pour les faire pencher vers la philosophie et la métaphysique».

Ainsi rencontrera-t-on Gilles (Denis Houle) et Huguette (Diane Lavallée), un couple dont le dîner est soudainement interrompu par un homme mouillé, en maillot de bain, qui les emmène dans un autre niveau du réel, dans un univers aquatique aux profondeurs insoupçonnées. «Je trouve que l’eau est une matière fascinante, dit Simon Lacroix, et que la notion de fluidité est très intéressante à explorer au théâtre. J’aime l’idée de choses qui coulent, qui s’évaporent, qui traversent tout en laissant une trace humide éphémère, et je suis inspiré par la notion d’infini qui caractérise le mouvement de l’eau sur terre. On a voulu représenter, dans les comportements des personnages, l’idée de la liberté de l’eau. Ce sont des personnages qui s’interrogent sur la manière de sortir de soi, de quitter leur individualité.»

On ne sait pas trop qui ils sont, ce qu’ils font: ils apparaissent dans un lieu blanc et, comme le précise Lacroix, «ils découvrent qu’ils ont envie d’ailleurs et d’intangible». «Parfois, poursuit-il, la plongée dans la fiction scandinave leur apparaît comme une évasion possible, d’autres fois ils sont davantage dans des univers métaphysiques. J’aime créer un univers régi par d’autres lois, renverser les lois de cause à effet, réinventer les frontières du monde ou les lois de la présence humaine. Et je sais qu’en le disant ainsi j’ai l’air inutilement sérieux, mais ce n’est pas le cas: notre souci est toujours de faire de tout cela quelque chose de très divertissant.»

Du 23 mars au 12 avril au Théâtre de Quat’sous