Ravages : La danse de l'orage vrombissant
Scène

Ravages : La danse de l’orage vrombissant

Applaudi depuis quelques années à Québec où son esthétique mixant danse, vidéo et plasticité a la cote, le chorégraphe Alan Lake propose  avec Ravages une danse orageuse et chargée, évoquant la puissance de la nature et les mystères de la forêt.

À la base de Ravages, il y a un film d’art, tourné dans les bois à St-Raymond de Portneuf avec ses danseurs, alors que la nature endormie se réveillait doucement et mutait vers la tempête. Des bribes de ce film orageux apparaissent sur les toiles de tulle en semi-transparence, montrant des danseurs aux visages salis par la boue, leurs corps s’agrippant aux parois d’une cabane de bois avant le déchaînement de la nature, dont on sent gronder les signes avant-coureurs. Dans de très jolis jeux d’échelle et de surimpressions, la gestuelle des danseurs en scène (Dominic Caron, David Rancourt, Esther Rousseau-Morin et Arielle Warnke St-Pierre) fait écho à celle de leurs doubles écraniques sans simplement la calquer, comme dans un miroir déformant ou dans le liquide révélant doucement une photo différant du souvenir.

La danse d’Alan Lake, dans cet univers visuel soigné qui met aussi les danseurs en relation avec le bois, est poétique sans être abstraite, évoquant concrètement le climat orageux qui transperce les corps ou la traversée des obstacles naturels de la forêt. Elle est tour à tour raide et musclée, puis sensuelle et arrondie, avant de s’assagir pour raconter une nature calme, propice à la sérénité ou à un soupçon de sacré.

 

 

La cohabitation de la danse et de la vidéo est féconde, créant d’intéressants jeux de surimpression, travaillant par couches. Mais l’œil reviendra toujours aux danseurs en chair et en os, habités et rigoureux. La gestuelle évoque un corps qui reçoit les assauts de la nature, qui y réagit, à travers replis, tourbillons, roulades, traversées, envolées, mouvements de recul et raideurs, mais aussi celle d’un corps qui tente de se modeler à un environnement naturellement accidenté.  Le tout sans excès figuratif, dans une sublimation poétique très fluide.

S’y arrime quelques postures contemplatives et sereines, en solo, flirtant avec le sacré et le recueillement, avant qu’une ronde de mouvements plus énergiques reprenne sous forme de duos où les danseurs se mettent en mode survie,  cherchant à échapper aux affres de la nature dans une fusion avec l’autre, dans l’abandon et la confiance : les corps s’offrant le soutien des autres pour affronter l’épreuve de la nature, la traversée des éléments. La nature incite à la collaboration, à un vivre-ensemble organique et harmonieux, a-t-on envie de croire.

Par moments, les corps semblent aussi se percuter, ou se modeler aux autres, d’abord raides comme des érables, s’empilant comme dans une construction éphèmère, puis malléables comme des tiges feuillues, obéissant subtilement aux mouvements du corps de l’autre. Voilà qui raconte, soudainement, l’adaptabilité de l’humain dans son rapport avec la forêt et les éléments, ouvrant aussi la voie à des perspectives plus animales: les corps seront bientôt sexualisés, puis marionnettisés.

Alan Lake aime aussi travailler avec la matière. Ces explorations sont légèrement moins convaincantes, mais néanmoins, des lancers de boules de poudre blanche crééront graduellement l’effet de précipitations, pendant que les corps réagissent à des vents imaginaires, ondulant de manière spasmodique.

 

Jusqu’au 18 avril à la 5e salle de la Place des Arts (Montréal) jusqu’au 18 avril – une présentation Danse Danse
Du 6 au 8 mai à la salle Multi de Méduse (Québec) – une présentation La Rotonde