Bob’s Salon : une beuverie au théâtre
Quand David McIntosh et sa compagnie vancouvéroise Battery Opera Performance s’amènent à Montréal, soyez assurés que le vin coule à flots. Ex-sommelier, le metteur en scène et performeur invite les spectateurs de son Bob’s salon à une beuverie théâtrale improvisée. Entrevue.
Dans Bob’s Lounge, déjà, on picolait à tous vents. Le spectacle, vu à Montréal en 2009, orchestrait une série de petits rituels alcoolisés et interdisciplinaires. David McIntosh, jadis chanteur dans un groupe punk puis sommelier professionnel, poursuit aujourd’hui une exploration du rapport entre l’alcool et le spectacle dans Bob’s salon, une pièce festive qui s’appuie sur les récits spontanés de quelques artistes invités, lesquels improvisent pendant que les spectateurs boivent un verre dont les effluves et les goûts s’harmonisent particulièrement aux récits.
«L’alcool a toujours fait partie de ma vie, dit-il. Beaucoup d’alcool. De tous genres.»
En quittant la scène punk vancouvéroise, McIntosh a laissé tomber la guitare électrique mais pas la bière et le gin tonic. Et c’est du sérieux. «J’ai développé un intérêt accru pour l’alcool, non seulement pour sa variété et ses saveurs, mais aussi pour l’étude des contextes sociaux dans lesquels il est abondamment consommé. En Occident, l’alcool est omniprésent dans les rassemblements et occupe une fonction sociale importante dans presque tous nos rapports avec les autres. J’ai voulu questionner cette facette de l’alcool comme liant social. Il y a aussi une dimension spirituelle, ou ritualisante, dans notre consommation d’alcool à l’unisson.»
Il n’est pas anthropologue, n’aspire à aucune science, mais il dit chercher à faire sa petite sociologie de l’alcool festif par des moyens théâtraux et poétiques, sinon carrément sensoriels et sensuels. «Pourquoi l’alcool nous unit et quelle est sa fonction? Je ne connais pas vraiment la réponse à cette question mais j’aime m’y intéresser, tourner autour, me demander notamment dans quelle mesure nous sommes conscients du rôle que jouent le vin ou la bière dans nos rituels sociaux. J’y arrive par des expérimentations directes, en offrant de l’alcool à mes spectateurs tout en observant la manière dont ils reçoivent alors le spectacle.»
Le principe est tout simple. McIntosh associe un alcool (vin, bière ou cocktail divers) à une histoire que quelqu’un vient raconter sur scène. «Je choisis l’alcool, explique-t-il, en fonction des émotions que cette personne me dit ressentir lorsqu’elle raconte son histoire ou se la remémore. C’est un spectacle basé sur l’improvisation et la surprise alors je ne veux jamais connaître le récit ou le contenu de la performance de l’artiste que j’invite, mais je m’intéresse à la sensorialité vécue par l’artiste au moment où il raconte son histoire. Je choisis, par exemple, un vin qui me semble faire écho à cette expérience sensorielle et émotive, et je le sers aux spectateurs, qui le dégustent tout en écoutant le récit.»
Comme le vin circule dans le corps et que «c’est une expérience physique, à laquelle le corps est perméable», McIntosh pense que «la réception de l’histoire se fait aussi de manière plus sensorielle, davantage à fleur de peau, de manière plus sensitive». «Le spectateur écoute et regarde d’une manière plus empathique et plus sensuelle.»
Depuis quelques jours, ses complices Michelle Lui et Ben Brown, «des improvisateurs géniaux», parcourent la ville en quête des performeurs parfaits pour le spectacle. On sait déjà que le chorégraphe Benoît Lachambre sera de l’aventure le 14 mai, que la danseuse Lara Kramer l’aura précédé le 13, alors que le comédien Clifford Cardinal sera sur scène le 15.
«Il y aura des gens différents tous les soirs, et je donne à Ben et Michelle carte blanche dans le choix des invités. Il se peut qu’ils choississent des comédiens et des danseurs professionnels; il se peut qu’ils débarquent avec des anonymes, des citoyens dont ils jugent les histoires intéressantes. Nous aimons l’imprévu. Mais c’est, disons, un imprévu balisé, qui s’inscrit dans une structure. Ce que j’aime aussi beaucoup, c’est que le public peut influencer le cours de la soirée, que l’ambiance est très différente d’un soir à l’autre. J’aime cette théâtralité de l’instant, ces jeux d’atmosphère changeante, et bien sûr, il faut que ce soit festif, comme dans n’importe quelle bonne beuverie.»
Du 13 au 15 mai au Théâtre La Chapelle