FTA / Tu iras la chercher : Je te poursuis
Deuxième volet d’une trilogie qui a débuté avec Cinq visages pour Camille Brunelle, Tu iras la chercher de Guillaume Corbeil revient sur les planches, l’instant de quelques représentations dans le cadre du Festival TransAmériques. Un moment de théâtre à voir ou revoir.
Elle ne semble ni attendre l’arrivée de quelqu’un avec plaisir, ni contempler sereinement les alentours. Cette femme, seule, reconnaît difficilement les éléments les plus banals qui l’entoure. Tout lui est étranger. Les visages et les lieux sont inconnus et les voix, dissonantes. Y compris sa propre voix. Marie-France Lambert, magnétique et précise, interprète une femme qui, comme si elle pourchassait un fantôme, part à la recherche d’elle-même avec peu d’indices sur sa propre identité, sa propre image.
Sur la scène aux allures de passerelle flottant dans un espace-temps inconnu, entre lieux physiques visités et lieux métaphoriques ou fantasmés, la femme offre son flot de pensées en direct, s’adressant à elle-même au «tu». Le court texte de Guillaume Corbeil, un monologue d’une trentaine de minutes répété deux fois, captive par sa construction qui fait indirectement appel à la vigilance du spectateur, où l’adresse à la deuxième personne du singulier le plonge aussi dans cette aventure étrange.
Bien que le sujet peut sembler surutilisé, voire épuisé, le traitement qu’en a fait le jeune auteur évite tout piège pénible qu’un texte sur la quête identitaire peut présupposer. Loin du cycle facile de recherche et de redécouverte de soi toute en émotions, Tu iras la chercher propose plutôt un récit adroit et sobre qui fait subtilement appel à une certaine participation du public. Sans se soutraire à l’humour et aux enjeux de la reconstruction d’une identité brouillée par un monde fait d’images, le monologue, mené sans faille par la comédienne, court toujours en tête, comme si la quête de soi nous était léguée une fois la pièce terminée.
Cette première mise en scène de Sophie Cadieux, surprenante et réussie, offre pour Marie-France Lambert une gestuelle minimale en première partie qui évolue lentement dans la seconde. Une judicieuse dose de différences qui inscrit le mouvement comme élément de changement dans la psyché du personnage. Le corps, le texte et l’espace scénique se retrouvent, harmonieux, dans une mise en scène qui respecte et comprend un texte en apparence simple qui pourtant déroute et suit son spectateur. Comme quoi nous nous retrouvons toujours poursuivis ou à la poursuite de quelque chose. De quelqu’un.