FTA / Richard Maxwell / Isolde : L'architecture de l'amour
FTA 2015

FTA / Richard Maxwell / Isolde : L’architecture de l’amour

Il est connu pour avoir réinventé le jeu d’acteur en cultivant différentes formes d’inexpressivité et d’aplatissement du réel. Mais dans Isolde, Richard Maxwell fait un pas de côté et revient à un jeu légèrement plus émotif pour raconter un triangle amoureux pas comme les autres. Entrevue.

Mythique metteur en scène de l’avant-garde new-yorkaise, Richard Maxwell n’en est qu’à sa troisième visite à Montréal, après House en en 2001 et Neutral Hero en 2011. On est heureux de le revoir, car son travail actuel marque une nouvelle étape: le metteur en scène explore dans Isolde de nouveaux paramètres de jeu, ne se méfiant plus autant du «vécu émotionnel» de ses acteurs et leur permettant de flirter avec différents registres.

«J’ai consacré ma carrière, dit-il, à peaufiner un type de jeu relativement désincarné, à imaginer un jeu d’acteur qui ne carbure pas à l’émotion comme sur la majorité des scènes américaines. Je préfère mettre en scène des comportements, pas des émotions, et surtout je demande aux acteurs de ne jamais faire semblant. Néanmoins j’ai voulu cette fois faire un pas dans un jeu plus exacerbé, en invitant mes acteurs à ne pas avoir peur de jouer, même si on travaille encore un jeu retenu. Ils font des allers-retours entre un jeu très rationnel, très pragmatique, et un jeu qui s’approche davantage des traditions de jeu à l’américaine. Nous oscillons.»

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C’est une révolution, tout de même. Qu’a-t-il bien pu se passer pour que Maxwell fasse le pas? Il se dit «particulièrement en confiance» avec la distribution: des comédiens avec qui il travaille depuis longtemps, comme Tory Vasquez et Jim Fletcher. «Quand nous avons commencé à travailler ensemble il y a 20 ans, poursuit-il, nous avons développé des formes de non-jeu parce que le jeu que nous voyions sur scène en général à New York ne nous intéressait pas et nous paraissait artificiel. Des années plus tard, on trouve sain de se demander si nous ne sommes pas allés trop loin dans cette réaction, si notre esthétique n’est pas allée trop loin dans l’autre extrême. Nous avons la volonté de nous remettre en question – toujours dans le but de faire en sorte que les scènes que nous jouons soient les plus vivantes et les plus vraies possibles.»

C’est d’ailleurs, au premier niveau, l’histoire d’une actrice en pleine réflexion sur son métier alors qu’elle perd la mémoire. Que devient une comédienne sans sa mémoire, s’est demandé Maxwell, et surtout, «la vérité peut-elle apparaître même lorsque la comédienne ne puise aucunement dans son vécu personnel ou dans sa mémoire affective?»

Isolde est aussi une amoureuse, une femme de passion qui ne prend pas à la légère ces questions d’émotion et de sentiments. Désireuse de faire construire sa «maison de rêve», la voilà en dialogue avec un architecte vedette, qui prendra peu à place au sein d’un triangle amoureux avec son mari. «J’ai écrit cette histoire, di Maxwell, de manière très intuitive et en me laissant guider par mes rêves. Quand le personnage de l’architecte est apparu, je trouvais que tout s’emboîtait pour un triangle amoureux qui évoque celui de Tristan, d’Iseult et du roi  Marc’h. J’ai vu en tout cas un triangle, et c’est sans doute le personnage de l’architecte qui m’a inspiré cette pièce très structurelle: c’est une architecturation de relations de couple, en quelque sorte, qui s’articulent autour d’un désir ardent, puissant, comme dans l’histoire d’Yseult et de sa potion d’amour.»

Du 2 au 4 juin à la Maison Théâtre, dans le cadre du Festival TransAmériques