Visages de la danse : Pleins feux sur les chorégraphes du Québec
Scène

Visages de la danse : Pleins feux sur les chorégraphes du Québec

Conçue et animée avec intelligence par l’écrivaine et journaliste culturelle Aline Apostolska, la série Visages de la danse entame une quatrième saison à Canal Savoir. Voir a pu visionner deux des nouveaux portraits qu’elle brosse à partir du 8 juin: ceux de Daniel Léveillé et de Benoît Lachambre.

L’idée est née d’une conversation entre Francine Gagné, directrice de Circuit-Est centre chorégraphique, et Aline Apostolska qui animait alors, avec de grands noms de la littérature québécoise, des entretiens publics enregistrés puis édités pour être diffusés en format de 56 minutes par Canal Savoir. C’est ainsi qu’en 2012, Jeanne Renaud, grande pionnière de la danse moderne au Québec, a ouvert le bal de la transposition du concept au monde de la danse.

Depuis, près de 20 personnalités se sont confiées à celle qui a démarré sa carrière de journaliste culturelle en France et qui, de 2001 à 2014, a couvert la danse pour La Presse. Tandis que la quatrième saison Visages de la danse s’intéresse à Daniel Léveillé, Benoît Lachambre, Lucie Grégoire et Catherine Tardif, on peut encore voir les émissions consacrées à José Navas, Sophie Corriveau, Emmanuel Jouthe et Mélanie Demers à la télévision et sur le site web de la chaine. Les saisons 1 et 2 sont disponibles sur demande.

Une forme qui dessert le contenu
Aline Apostolka
Aline Apostolka

Avant les fleurs, le pot. Le grand défaut de cette série, aujourd’hui coproduite par Circuit-Est et Canal Savoir, réside dans sa forme: un «show de chaises» tellement statique qu’un spectateur peu motivé peut facilement décrocher. Ceci dit, et même si l’on regrette que les extraits d’œuvres projetés en direct sur grand écran soient très escamotés au montage, on ne jette pas la pierre au réalisateur Luc Laflamme. Car on se doute de la maigreur du budget dont il dispose et on lui sait finalement gré de concentrer notre regard sur l’artiste interviewé. Parce que dans la rencontre qu’orchestre avec doigté Aline Apostolska, il se révèle dans son vécu et sa pensée intime. Et c’est là la grande force de la série.

Plutôt que d’entrer par la porte de l’art et de la pensée critique, l’animatrice remonte à l’enfance de ses invités pour comprendre ce qui, dans leur histoire personnelle et dans le contexte historique, a motivé leur choix de carrière et ce qui en a guidé la progression. Descendu de son piédestal, l’artiste n’en devient que plus passionnant. Resitué dans une perspective historique, il nous en apprend sur la société québécoise, sur son évolution et sur ce qui a pu construire l’identité chorégraphique de la belle province.

D’intéressants prismes de compréhension
Daniel Léveillé / Crédit: Circuit-Est
Daniel Léveillé / Crédit: Circuit-Est

 

Daniel Léveillé est né en 1952 dans le village de Sainte-Rosalie; Benoît Lachambre a vu le jour à Montréal en 1960. Tout deux ont grandi dans des milieux modestes, peu exposés aux arts. S’il n’y avait pas eu de troupe de danse dans son cégep ni de bourses d’été pour créer des spectacles, Léveillé serait peut-être devenu architecte. Et si, 25 ans plus tard, il n’avait pas décrété «no money, no candy» après avoir essuyé deux refus à ses demandes de subvention, nous n’aurions peut-être pas connu les corps nus et les éclairages minimalistes de la Trilogie de l’imperfection qui a finalement fait son succès international. Au fil de l’entrevue, on découvre comment certains de ses choix et pratiques artistiques s’ancrent dans son histoire et à quel point Françoise Sullivan, signataire du Refus global, a influencé son écriture chorégraphique.

Benoît Lachambre, lui, est entré dans la danse un soir de Saint-Jean avec les Ballets Jazz de Montréal dansant en extérieur. C’est aussi grâce à des subventions qu’il a pu partir étudier les méthodes somatiques à New York et développer sa réflexion sur la hiérarchie entre danseurs et chorégraphes. Mais c’est en Europe qu’il a dû se rendre pour creuser cette recherche et œuvrer à la décolonisation du corps. Le Québec n’était alors pas prêt à considérer ni à valoriser cette approche qui contamine aujourd’hui la recherche de bien des jeunes chorégraphes et reste très avant-gardiste en regard de ce que le public est à même d’appréhender. Car elle suppose un changement de paradigme sur la façon de concevoir le corps, la chorégraphie et le spectacle. Plus lumineux que jamais, le discours de Lachambre sur son lien aux ancêtres, aux traditions autochtones et sur sa volonté d’expérimenter et mettre en scène « un corps en lien plutôt qu’en contrôle » est tout bonnement passionnant.

Entre la forme et l’intime, entre le somatique et le politique, les deux premiers épisodes captivent par leur propos et rappellent la pertinence autant que le besoin de recueillir et de diffuser la parole des artistes de la danse québécoise. La question se pose de trouver comment conserver la profondeur des Visages de la danse tout en donnant au contenu une forme télévisuelle plus actuelle.

Premières diffusions

Daniel Léveillé, le 8 juin  à 20h

Benoît Lachambre, le 15 juin à 20h

Lucie Grégoire, le 22 juin à 20h

Catherine Tardif, le 19 juin à 20h