Stéphane Bellavance / Adieu, je reste : Petit meurtre entre amies
Adieu, je reste, dans une mise en scène de Stéphane Bellavance au Théâtre Hector-Charland, est une comédie parisienne aux personnages féminins colorés: des rôles en or pour Pierrette Robitaille et Anne Casabonne.
D’un théâtre à l’autre, les bonnes comédies passent de mains en mains en saison estivale au Québec. Adieu, je reste, comédie parisienne d’Isabelle Mergault adaptée par Maryse Warda, a fait rigoler les spectateurs du Théâtre Beaumont Saint-Michel l’an dernier dans une mise en scène de Michel Poirier. À peine un an plus tard, de l’autre côté de l’autoroute, les comédiennes Pierrette Robitaille et Anne Casabonne enfilent les costumes de l’écrivaine bourgeoise et de la meurtrière maladroite devant le regard amusé du metteur en scène Stéphane Bellavance, heureux de pouvoir diriger de tels «monstres de comédie» et surtout de donner vie à une comédie toute féminine – la chose est rare.
«Je ne connais aucune autre comédie dans laquelle s’affrontent deux personnages féminins aussi riches et aussi colorés, dit-il. Ce sont deux personnages aux antipodes, et le comique de la pièce tient dans leurs contrastes. Il y a, d’un côté, cette riche bourgeoise au vocabulaire ampoulé et grandiloquent. De l’autre, cette meurtrière d’un soir, à la personnalité plus grossière mais vraiment attendrissante. Et comme les contraires s’attirent, elles se découvriront progressivement de merveilleuses affinités.»
Gigi (Casabonne) est une tueuse inexpérimentée qui accepte la mission de faire disparaître la femme de son amant, Barbara (Robitaille). Elle entre par la fenêtre, revolver à la main, mais ne saura pas achever sa mission quand elle se liera d’amitié avec sa victime, avec qui elle se découvre un même regard sur l’amour et les hommes, alors qu’elles s’aperçoivent qu’elles font toutes deux partie d’un même réseau de tromperie et d’adultère, se retrouvant tour à tour dans les positions de la trompée et de la trompeuse.
«La situation est invraisemblable, rigole Stéphane Bellavance. C’est aussi ce qui m’a plu dans cette pièce qui est a priori réaliste, avec son décor de grand appartement bourgeois, mais qui est si improbable et exagérée qu’on ne peut pas y voir autre chose qu’une grosse farce. Cela dit, ça demande du doigté, car il ne faut pas trop parodier ni caricaturer. J’aime, en général, accentuer la théâtralité, gonfler certaines affaires, et je me suis fait plaisir. Mais j’essaie de doser le comique exacerbé et le ton réaliste, car l’écriture d’Isabelle Mergault est pleine d’humanité et de tendresse et il faut absolument faire honneur à cette dimension de la pièce. Entre les deux femmes, la relation qui se développe est vraiment sincère.»
Il y a aussi des hommes dans cette galère: le mari adultère et cocufié, bien sûr, mais aussi le concierge de l’immeuble, qui se mêlera tant bien que mal aux chassés-croisés amoureux. «On est dans une histoire typique de malentendus amoureux et de mari trompé, explique Bellavance, mais pas du tout dans une mécanique de claquage de portes classique. C’est vraiment dans le contraste entre les deux personnages féminins que l’essentiel de la pièce se joue, et aussi dans l’idée d’un film de gangsters qui ne se réalise jamais vraiment (le meurtre n’aura pas lieu), mais qui fait partie de l’ambiance. La musique qu’on a choisie, notamment, fait un peu Chapeau melon et bottes de cuir.»
Bellavance est aussi heureux de se mesurer à la répartie très parisienne de ce texte qui a été québécisé, mais qui conserve une rythmique implacable et «une certaine cruauté dans les rapports humains, de même qu’un grand art du verbe». Une pièce qui, dit-il, l’a fait éclater de rire dès la première lecture.
Au Théâtre Hector-Charland (L’Assomption) du 3 juillet au 28 août