Zoofest / Guillaume Tellier / Straight : Tirer un coup entre amis
ZOOFEST 2015

Zoofest / Guillaume Tellier / Straight : Tirer un coup entre amis

De vieux amis, une soirée arrosée et la peur grandissante de ne plus être dans le coup: il n’en faut pas plus, dans la pièce Straight, pour aboutir au lit en plein tournage d’une scène homoérotique. Conversation avec le comédien Guillaume Tellier.

En mission théâtrale à Londres, où il allait à la recherche de textes britanniques à traduire et à produire à Montréal, le metteur en scène Jean-Simon Traversy est entré dans un petit théâtre pour voir Straight, une comédie de DC Moore dont il ne savait à peu près rien. Adepte d’un théâtre réaliste coup de poing et d’écritures ciselées, il n’a pas su résister à cette histoire d’amitié mise à l’épreuve par une séance ratée d’homoérotisme et a proposé à Guillaume Tellier d’adapter le spectacle. Or, cette pièce est la version théâtrale d’un film américain indépendant, Humpday, de Lynn Shelton, que le comédien se rappelait avoir vu et aimé, parce qu’«il pose des questions intéressantes sur l’amitié, la trentaine et l’hétéronormativité».

Le film, d’ailleurs, est plus verbeux que la pièce anglaise, écrite dans le souci d’une plus grande efficacité comique. Tellier a donc écrit la version québécoise en flirtant avec l’une et l’autre, proposant en quelque sorte le meilleur des deux mondes. On y retrouve Louis et Ferdinand, vieux potes d’université que tout désormais semble séparer. Le premier s’est marié et vit la petite vie américaine conventionnelle. Le deuxième revient d’un long voyage autour du monde, sans attaches et sans entraves. Ils sont hétéros, tous les deux, mais pour se prouver qu’ils n’ont pas encore cédé à une vie triste et sans âme de trentenaire fade, ils se donnent le défi de tourner une scène homo pour un festival de porno amateur/artistique (le Humpfest, qui existe d’ailleurs bel et bien et se déroule chaque année à Seattle, Washington et Portland en Oregon). Ça ne se passera évidemment pas aussi bien que prévu.

«Ce qui m’intéresse beaucoup dans cette pièce, dit Tellier, c’est l’amitié entre les deux gars, qui est sincère mais qui s’est effritée au fil du temps. On peut se demander ce qui les lie encore et si l’amitié peut vraiment être cultivée à distance. Y a tant d’amitiés qu’on garde en vie même si elles sont devenues artificielles au fil du temps. Cette pièce aborde cette question d’une manière originale et pour le moins radicale.»

Suis-je en train de passer à côté de ma vie? se demande Louis. Et son réflexe est d’y répondre par le sexe: pas étonnant dans un monde où le cul occupe sans cesse les esprits et où la porno est devenue mainstream. Mais pas de morale à deux balles ici: la porno est vue comme «un objet d’art rassembleur et vaguement hippie». «Et comme Louis et Ferdinand sont des jeunes hommes de leur temps, ils s’affichent a priori comme vivant une sexualité libre et variée, n’hésitant pas à se lancer dans un projet homo même si ça ne les excite pas particulièrement. L’hétéronormativité les rattrape vite. Et ça crée des situations comiques intéressantes. Ce n’est pas une pièce dans laquelle on rit constamment aux éclats, mais c’est du comique de situation très intelligent.» 

Sur une scène quasi nue, l’équipe dirigée par Traversy mise sur une approche directe et sans fards: un jeu réaliste et frontal, un espace scénique «lumineux-intime» et évidemment un peu d’impudeur.

Du 9 au 28 juillet au Théâtre La Chapelle, dans le cadre du Zoofest