Fred Dubé : Radical libre
ZOOFEST 2015

Fred Dubé : Radical libre

Pourquoi tant de jeunes se radicalisent?, demande Fred Dubé dans Radical pouding. Le trublion trouve réponse à sa question dans nos journaux, dans notre télé et dans nos parlements.

Il y a quelque chose de forcément rassurant, mais d’également facile, à s’asseoir dans une salle avec des gens adhérant aux mêmes idées politiques que nous, pour rire des blagues d’un humoriste fustigeant des cibles faciles. Voilà l’écueil que peinent souvent à contourner les stand-ups dits politiques et engagés. Se payer la gueule des chroniqueurs du Journal de Montréal est à la portée de tous; nul besoin d’avoir recours à un professionnel du rire pour enfoncer le clou.

Réjouissance, soulagement, bonheur. Avec Radical pouding, l’infatigable Fred Dubé (qui présentait l’an dernier pendant Zoofest L’ignorance fait de plus victimes que le cancer et Terroriste blanc d’Amérique) évite plus souvent qu’autrement le piège du us vs. them. En posant en début d’heure une question qui ressurgira comme un leitmotiv – «Pourquoi tant de jeunes se radicalisent?» -, le trublion à la luxuriante chevelure met certes en lumière les ficelles du discours médiatico-politique ayant permis au PLQ et à ses coconspirateurs de peinturer la jeunesse étudiante dans un coin le printemps dernier. Il réserve cependant ses observations les plus aiguisées, et les plus audacieuses, à une certaine gauche zélée pour laquelle personne ne lave jamais assez blanc.

«Je veux crier dans une vulve…et j’apprécierais ne pas être cité hors contexte [trop tard]», hurle-t-il dans un passage suavement cabotin dénonçant la forme phallique d’un micro, «symbole du patriarcat». La caricature fait mouche, parce qu’elle a quelque chose de juste, mais aussi parce qu’elle apparaît néanmoins profondément solidaire des idées féministes.

Poil à gratter de l’humour

Dans ses interventions publiques ou dans la série Les 5 prochains, Fred Dubé se pose de plus en plus en poil à gratter d’un milieu de l’humour trop engoncé dans un moule fabriqué par l’École nationale et les galas Juste pour rire. Il largue à nouveau dans Radical pouding quelques téméraires bombes sur les statues de certains intouchables, à commencer par les commanditaires du Zoofest. Gilbert Rozon et RBO en prennent aussi plein la gueule.

La séance de zapping auquel le téléphage sans pitié qu’il est nous contraint dresse un portrait affligeant d’une certaine médiocrité ambiante. S’il s’abandonne trop souvent, et trop facilement, à un amour pour l’outrance scatosexuelle qui ressemble à une béquille, son talent pour les descriptions à la fois inédites et douloureusement exactes tourne le fer dans la plaie de notre propre avachissement (il compare Jean Airoldi à un mélange entre un chanteur italien cheap et le Prince de Machiavel). Sans le formuler ainsi, Dubé décrit pendant ce segment du spectacle les conditions permettant à l’apathie, voire à la haine, envers les plus démunis de phagocyter le cœur de trop de Québécois.

Les railleries qu’ils réservent à Sophie Durocher et aux chiens enragés des radios de Québec dénotent cependant une certaine paresse. Tout ce beau monde sait très bien se disqualifier par lui-même.

La conclusion de Radical pouding évoquant le sort atroce que subissent les femmes autochtones dans ce beau pays témoigne de ce que Fred Dubé sait faire le mieux: braquer sa lumière d’ironiste sur des pans de notre vie collective que nous préférerions oublier. Pourquoi tant de jeunes se radicalisent? Parce que ce qu’observe Fred Dubé est, trop souvent, atrocement vrai.

Radical pouding

Du 22 au 25 juillet et en supplémentaires les 30 et 31 juillet

Au Studio Hydro-Québec du Monument-National