Zoofest / Le Monstre : L'amour à la machine
ZOOFEST 2015

Zoofest / Le Monstre : L’amour à la machine

Le Monstre, un «théâtre-performatif-olfactif-qui-jute», passe au tordeur tout ce qui nous empêche de simplement se dire je t’aime. Rendez-vous à la buanderie. 

Un «théâtre-performatif-olfactif-qui-jute» promet le programme du Zoofest au sujet du spectacle Le Monstre. Alors, question pragmatique d’abord: doit-on enfiler son poncho jaune avant de s’asseoir dans son siège, au Théâtre La Chapelle? Vous comprendrez que nous aurions horreur de tacher nos beaux vêtements.

«Ce qui jute, ce sont les fluides corporels des comédiens», répond le metteur en scène Olivier Arteau-Gauthier, du Théâtre Kata, qui récoltait en 2014 les prix du Meilleur spectacle francophone et de l’Auteur le plus prometteur lors du Festival Fringe de Montréal. «Le show en est un d’épuisement physique, il y a de la sueur, des aliments. On essaie de faire du théâtre kinesthésique, que la parole prenne place, mais qu’il y ait aussi beaucoup d’espace pour le corps. On n’est pas le Cirque du Soleil, mais on veut essayer de trouver des moyens d’atteindre le physique plus que l’intellect.»

Dans une buanderie, nos comédiens/danseurs/performeurs/juteurs lavent ainsi à grande eau toutes ces saletés incrustées contre les parois de notre imaginaire. Leur objectif? Déloger toutes ces souillures qui nous empêchent de réellement entrer en contact avec l’autre: la dictature de l’image, le cynisme, la peur de l’engagement et autres maux aussi indissociables de l’époque qu’un drap blanc d’une publicité de Tide.

«La rencontre avec l’autre est biaisée par un tas de trucs aujourd’hui, dont les réseaux sociaux. Notre conception du désir est tordue par l’image, qui est souvent mise de l’avant dans nos relations au quotidien. La grande question que pose tout le show au fond, c’est: « Si un jour, il m’arrive un accident pas possible et que je deviens grand brûlé, m’aimeras-tu encore? »»

«En tant qu’artistes, nous sommes soumis au mantra de la beauté, poursuit l’auteur. Si tu es beau, on va t’écouter un peu plus, mais ce n’est pas vrai que les belles personnes ont plus de choses à dire.» Au contraire, oserions-nous suggérer, si nous n’étions pas aussi allergiques à la mauvaise foi.

Kinesthé-quoi?

Mais, rétropédalons un brin. Qu’entendez-vous par kinesthésie, cher Olivier? «Notre société est faite de telle sorte que les deux seules activités pour lesquelles on utilise notre corps pour vrai, c’est quand on fait du sport ou quand on fait l’amour. Finalement, il y a peu d’empathie kinesthésique qui opère au quotidien, parce qu’on a peu la chance d’utiliser réellement notre corps. L’empathie kinesthésique, c’est quand on vibre tous ensemble, quand on sent un tremblement intérieur tout le monde en même temps, quand on sent qu’on est redevenu une communauté pendant une heure au théâtre.»

Appelez-le ego, appelez-le peur, appelez-le vanité, le monstre du titre en sera quitte pour une bonne séance de lavage à spin. Tu crois qu’on en a tous un, en soi, un monstre? «J’espère», laisse tomber Olivier.

On comprendra qu’il a créé le spectacle comme on s’adresse à soi-même une mise en garde, un avertissement. «Je suis surtout habité par une crainte de succomber à ça, que mon désir se base plus sur des critères de beauté issus de la porno que sur une réelle attirance vers quelqu’un. Que mon appel d’air pour quelqu’un puisse être basé sur quelque chose de purement esthétique, ça me fait peur.»

Le Monstre

Jusqu’au 31 juillet

Au Théâtre La Chapelle

Dans le cadre du Zoofest