Théâtre Beaumont-St-Michel / La nuit sera chaude / Les apparences sont trompeuses
Au Théâtre Beaumont-St-Michel cet été, les couples s’interchangent dans La nuit sera chaude, un huis-clos nocturne de l’incontournable Josiane Balasko. Efficace comédie à la française dans laquelle brille particulièrement la comédienne Amélie Grenier.
Faut avouer que le répertoire comique français contemporain fait plutôt bon ménage avec le Théâtre Beaumont-Saint-Michel et son metteur en scène attitré du moment, Michel Poirier. Depuis quelques années, la direction artistique du théâtre bellechassois se nourrit directement dans les théâtres privés de Paris, avant de québéciser légèrement les textes qu’elle y déniche et de les passer au filtre d’un jeu d’acteur bien de chez nous: physique et exacerbé. Ça donne des comédies prévisibles, aux procédés comiques très classiques. Mais ça fonctionne plutôt bien!
La nuit sera chaude est un texte mineur dans l’œuvre de Josiane Balasko, mais avec ses personnages typés et contrastés, son atmosphère de huis-clos légèrement torride et sa langue cruelle et rythmée, c’est une comédie efficace et de bon goût, dont les personnages aux comportements enfantins et aux personnalités contrastées sont indéniablement attachants. On lui pardonne ainsi sa structure échevelée et surtout sa finale bâclée se déroulant après une ellipse de quelques mois dans un party de Noël loufoque. Les dialogues, eux, sont bien de tradition comique française: cruauté, répartie, répliques franches et directes.
Dina (Nathalie Mallette) est «artiste psychique» : elle peint l’aura des gens. Elle est aussi d’une naïveté rare, ce qui crée des effets comiques certains. Un jour, une femme vulgaire à la chevelure hirsute (succulente Amélie Grenier) débarque chez elle et prétend être la femme de son amant, le musclé Francis (Eric Cabana). Débute alors une série d’improbables chassés-croisés amoureux – car cette grossière Monique est en fait une croqueuse d’hommes qui a le don de rendre ces messieurs épris d’elle en un claquement de doigts.
L’un des mécanismes comiques est le choc des classes sociales: Dina est une bien piètre artiste mais elle a du vocabulaire et de beaux vêtements. Sa rivale est clairement grossière et déglinguée. Au fil du temps, bien sûr, et après des revirements rocambolesques, elles deviendront amies. Et cette Monique, il faut l’avouer, est un personnage vraiment savoureux, peu à peu irrésistible dans toute sa bonhomie et sa nonchalance.
Débarque l’amant de Monique, un scientifique de 34 ans qui en l’air de 55 (énergique Henri Chassé). Avec ce personnage, la pièce flirte avec une once de fantastique et d’irréel. S’opposent ainsi l’homme de muscles et l’homme de science: une lutte classique entre le corps et l’esprit, qui se dénouera de manière tortueuse.
C’est aussi et surtout une comédie de mensonges: Francis est le typique homme à femmes qui accumule les mensonges pour cumuler les conquêtes. La comédie aligne les blagues de playboy gigolo et dessine un personnage de fin manipulateur. À son amante éplorée de le voir dans les jupes d’une autre, il dira : «Toi, une artiste libre, veux-tu vraiment une vie de couple banale et médiocre?».
Quand arrive Pedro (Patric Saucier), le mari de Monique, les personnages se retrouvent coincés dans l’appartement, qui devient l’espace d’un huis-clos nocturne et le lieu de chassés-croisés amoureux infinis. Un couple dans la cuisine, l’autre dans le salon, et entre les deux, les portes claquent abondamment. «Sortez d’ici maintenant», répétera inlassablement Dina, qui n’obtiendra jamais la satisfaction de retrouver un appartement paisible et l’accès facile à toutes les pièces. Pendant que la foule s’esclaffe. C’est du comique vaudevillesque classique, mais c’est diablement efficace.
Cette pièce, sous des airs de légèreté, dit aussi que les apparences sont trompeuses. Monique n’est pas la femme indésirable que son look déglingué laisse deviner. Pedro a l’air d’une brute mais sous sa carapace de mastodonte se cache un érudit, amant d’art et de lettres.
La direction d’acteurs de Michel Poirier joue clairement avec l’artifice: la théâtralité est gonflée, les personnages sont joués de manière volontairement stéréotypée et grosse. Dans leurs conflits répétés, ils sont exubérants et enfantins: ils pleurent, crient, se lancent des objets, se volent des choses. Étonnant volet clownesque de cette pièce dans laquelle les comportements des adultes sont peu à peu caricaturés dans des représentations enfantines – une manière de souligner l’immaturité des jeux de porte et de camouflage auxquels se livrent ces adultes dominés par leurs pulsions et incapables de rationaliser.
Jusqu’au 5 septembre au Théâtre Beaumont-St-Michel
51 route 132, Saint-Michel de Bellechasse
je vais aller voir ça l’air drole