20e anniversaire de l'Usine C: Se remémorer Carbone 14
Scène

20e anniversaire de l’Usine C: Se remémorer Carbone 14

Dans les années 1980 et 1990, Carbone 14 a été précurseur sur nos scènes de la dominance d’un théâtre d’images et de diverses formes de danse-théâtre. Entretien avec son fondateur Gilles Maheu, en marge des projections souvenir des pièces Le Dortoir et Peau, chair et os.

«Je ne suis pas très fort sur la nostalgie», confie Gilles Maheu, sourire en coin.

Pourtant, il n’a pas hésité à répondre à l’invitation de l’Usine C, qui, célébrant son vingtième anniversaire de fondation, a voulu inviter son public à des projections commentées du Dortoir et de Peau, chair et os. Carbone 14, la défunte compagnie de Maheu, a été la première à occuper et administrer l’Usine.

«Il y a longtemps que je ne fais plus de théâtre de recherche, dit celui qui a ensuite officié pour le Cirque du Soleil et mis en scène des comédies musicales. Mais c’est quand même important pour moi de revenir sur l’époque Carbone 14. Je le fais pour la nouvelle génération – pour des trentenaires d’aujourd’hui qui n’avaient que 4 ou 6 ans à l’époque du Dortoir en 1988. Heureusement, on a des documents vidéo d’assez bonne qualité, ce qui va permettre une soirée de projection agréable. On planifie même de diffuser d’autres archives sur le web au cours de l’année.»

Procédant par écriture scénique, hors d’une vison littéraire du théâtre, Maheu a révolutionné la scène montréalaise par des spectacles interdisciplinaires à l’esthétique sophistiquée. Au même moment, à Québec, Robert Lepage faisait de même. La période fut fertile et les traces laissées par les créateurs de cette époque, souvent formés en Europe auprès de maîtres du théâtre corporel, sont encore palpables. Ils furent peut-être les premiers metteurs en scène du «postdramatique» au Québec, après une décennie de créations collectives qui leur avaient ouvert la voie (dans les années 1970).

Carbone 14, c’était surtout la première compagnie québécoise de danse-théâtre, façon Pina Bausch, avec des emprunts à l’esthétique imagée de Robert Wilson. Le Dortoir, pièce la plus connue de son répertoire, en est emblématique.

« Mes spectacles avaient une source biographique très intime, se rappelle Gilles Maheu. Le Dortoir tire sa source de mes années de pensionnat. Avec Carbone 14, j’ai fait une sorte de psychanalyse théâtrale sur plusieurs spectacles, que j’ai terminée en évoquant mon premier boulot important dans le spectacle La Bibliothèque ou ma mort était mon enfance. C’était en 2003, et j’ai senti à ce moment-là qu’il fallait me retirer, que j’avais tiré toute la substance intime possible.»

La méthode Carbone 14, c’étaient de longues heures de répétition, en dehors de l’étroitesse du système de production habituel: un processus de polyphonie scénique dans lequel le corps, la voix, la lumière et les matériaux plastiques étaient utilisés de manière généralement égalitaire, sans préséance du texte sur le travail scénique.

Formé chez Etienne Decroux et Eugenio Barba, Gilles Maheu a inévitablement créé un théâtre d’images et de physicalité. «Je pense, dit-il, que j’ai réussi à avoir beaucoup de liberté dans le langage théâtral, en puisant dans diverses théories, dans des influences autant européennes et new yorkaises. Je suis très fier de ces années où on faisait vraiment de la recherche-création, dans un climat de rigueur autant que d’enthousiasme.»

L’Usine C présentera Le Dortoir dans une version réalisée pour la télévision par nul autre que François Girard: une rare archive de qualité cinématographique d’un spectacle de cette époque. Peau, chair et os, filmé de manière plus modeste, est également au programme. Gilles Maheu répondra ensuite aux questions de Martin Faucher.

Le Dortoir, samedi 12 septembre à 19h
Peau, chair et os, dimanche 13 septembre à 16h
À l’Usine C