Entrevue avec Hélène Blackburn: Roméo et Juliette démultipliés
Scène

Entrevue avec Hélène Blackburn: Roméo et Juliette démultipliés

Avec Symphonie dramatique, la chorégraphe Hélène Blackburn réinvente Roméo et Juliette en mettant en scène sa dimension conflictuelle par le choc de corps athlétiques et fulgurants. Rencontre.

Hélène Blackburn n’a plus besoin de présentation. Chez nous comme à l’étranger, son travail est connu pour son métissage de l’ancien et du contemporain, les corps de ses danseurs accumulant les postures classiques tout en sachant tordre la tradition en y greffant danses urbaines ou arts martiaux. C’est en tout cas dans ce langage métissé que puise Symphonie dramatique, une relecture de Roméo et Juliette dans laquelle tous les danseurs sont tour à tour Juliette, Roméo ou Tybalt, exacerbant les conflits légendaires des Montaigu et des Capulet dans une chorégraphie rythmée et puissamment collective.

«Le caractère romantique de l’oeuvre m’intéresse, dit-elle, mais je ne voyais pas comment j’aurais pu y jeter un oeil neuf alors j’ai centré mon regard sur la dimension conflictuelle de l’oeuvre et des personnages, que je trouve plus contemporaine. Les différences de classe, de race, de religion, quand ils se mêlent aux relations amoureuses, sont aussi compliquées à notre époque que dans la Vérone du XVIe siècle.»

 

 

La difficile harmonie des peuples est ainsi en jeu dans ce spectacle qui cherche à faire écho au social tout en racontant l’intime. Il y a de l’espoir, pense Blackburn, qui fréquente beaucoup de jeunes danseurs et constate de grandes différences générationnelles dans le rapport à l’altérité. «Les barrières existent encore mais la nouvelle génération na pas peur de les remettre en question. Je trouve qu’ils sont dans un rapport de dialogue très sain entre les ethnies, les religions, les groupes sociaux.»

Ainsi la pièce creuse «l’énergie du conflit», démultipliant le couple. «Ce couple a un visage multiple à mes yeux, dit la chorégraphe. Je ne voulais pas qu’on le réduise à une seule figure.»

C’est aussi une pièce très ancrée dans la musique de Martin Tétrault, également hyper métissée. «Il a mixé plusieurs versions des oeuvres classiques, prenant Prokofiev comme base et y insérant un peu de Chaikovski, un peu de Berlioz, un peu de Gounod. On s’est amusés avec différentes textures musicales. Il y a notamment la chanson Je veux vivre, de Gounod, qui fut jadis chantée par Maria Callas, et qui dans notre spectacle est réinventée par Alexandre Desilets. La musique nous fait faire le parcours d’émotions de Roméo et Juliette, comme une sorte de carte géographique émotive.»

 

Le 17 septembre à 20h à la TOHU (représentation gratuite)

 

Le spectacle effectue ensuite une longue tournée qui passe d’abord par l’Europe et les États-Unis avant de repasser par Montréal (le 22 janvier), puis Drummondville, Valleyfield, Laval, Baie-Comeau et Sept-Îles.