Une raclette : Enfants terribles
La bande des Chiens de Navarre est de retour à Montréal pour y présenter Une raclette, un souper inconfortable et chaotique qui libère autant qu’il met à mal le théâtre, ses conventions et ses codes. Retour sur une inclassable soirée festive dans tout ce qu’elle a de plus tordu.
Un membre du collectif scrute le programme de la soirée et le présente au public. «C’est ça qui vous a donné envie de venir ce soir?» Le spectacle n’est pas encore commencé et le public fait face aux comédiens qui sirotent une bière, discutent de leur vol de la France jusqu’au Québec, passent des commentaires sur les spectateurs…
Est-ce déjà le début d’Une raclette? Entend-on la voix des comédiens ou celle des personnages? Ce jeu constant entre le jeu, les moments de performance, l’improvisation et la parole véritable du comédien se croiseront tout au long de ce repas improbable et délicieusement moqueur de tout ce qu’il touche de près et de loin. Le texte s’écrit devant nous, non sans une scénographie et une mise en scène planifiée, avec l’énergie indomptable des comédiens qui se jouent du théâtre avec et contre nous.
La performance est prétexte à aller vers l’extrême et à jouer avec ses conventions, toujours avec dérision, provocation et désinvolture. Il n’y a qu’à penser à ce voisin timide, membre de Clowns sans frontière, qui accepte de faire une petite démonstration de ce qu’il fait pour le bien des moins bien nantis d’un autre continent. Le malaise des invités est évident, mais la performance est applaudie comme un grand moment d’art.
Les Chiens écorchent avec un vif plaisir les bons sentiments, les bonnes intentions, questionnent la notion de normalité, d’art et de ses limites. À travers les scènes se dessinent des moments de pure folie, désopilants, que seul ce collectif semble pouvoir atteindre avec leur formule unique. Bref, c’est toute l’humanité qui y passe, dans toute sa petitesse et sa désolante banalité, mais aussi dans sa capacité naturelle à être cruelle et à détruire l’autre avec aisance.
Dans les conversations insipides et convenues de ce souper entre voisins qui apprennent à se connaître ressurgissent des moments complètement absurdes qui n’ont pas manqué de provoquer l’hilarité générale. Difficile, par moments, d’en retirer un quelconque sens, avec l’utilisation immodérée de tous les fluides imaginables, de moyens un peu puérils de choquer ou faire rire. Reste que ces enragés de la scène, menés par Jean-Christophe Meurisse, forment un collectif puissant, qui ne doit rien à personne et s’écartent franchement de toute convention. Peut-être que ce chaos calculé se veut justement une aventure déjantée dans le monde d’artistes en colère qui tourne tout en dérision. Un chaos plutôt dur à prendre, impossible à rationaliser, qui joue sur nos propres limites, sur le vrai et le faux, où en ressort de nombreuses dénonciations amenées avec une énergie douce et brutale.
À l’Usine C jusqu’au 26 septembre