Guillaume Wagner / Trop humain / Le pessimiste sympathique
Scène

Guillaume Wagner / Trop humain / Le pessimiste sympathique

Indéniable showman, Guillaume Wagner sort un peu les dents dans son deuxième one-man show, Trop humain. Regard sur le spectacle plutôt réussi d’un pessimiste sympathique.

Il revendique le droit de rire des électeurs plutôt que des politiciens (ce qu’il fera). De ne pas avoir d’opinion sur tout (même s’il en a un peu beaucoup). Et de ne pas vouloir plaire à tous (même si on le soupçonne de mentir à ce sujet). Voici Guillaume Wagner vêtu d’un simple gaminet, dans un spectacle que même les plus allergiques à la forme humoristique auront forcément apprécié à un moment ou l’autre. Car il a de la gueule, du mordant, et il fait de l’humour intelligent sans s’empêcher d’être puéril quand ça lui chante.

Wagner est un pessimiste sympathique, un cynique joyeux: l’un de ces hommes paradoxaux qu’on croise souvent en cette époque de désillusion. Il est déçu par le social mais demeure un irrémédiable bon vivant. Il est l’homme dépité par ses semblables mais enthousiaste à l’idée de s’exprimer, de rencontrer un monde auquel, pourtant, il ne croit plus. Il est emblématique de son époque, en est un échantillon fort énergique. Et juste pour ça, son spectacle mérite qu’on s’y attarde un peu.

Son humour est simple mais structuré: il attaque le réel, observe la vie par son revers, pour mieux y débusquer des comportements humains dont il fait bon rire, en s’ancrant dans le social la plupart du temps. Il rira notamment de ceux qui ont trop d’opinions et qui ne nuancent plus rien, écorchant gentiment au passage le chroniqueur à tout faire Richard Martineau (qui a quitté la salle, excédé, le soir de la première).

 

Hier, c’était la première médiatique de mon spectacle Trop Humain. Ben du beau monde. Une belle énergie. Un public géné…

Posted by Guillaume Wagner on Wednesday, October 7, 2015

 

Il s’amusera de notre rapport passéiste à la notion de virilité, questionnera la dictature de l’image ou le manque d’indignation du 99% contre un puissant 1%.  Il a du contenu, Wagner, même quand il réussit à faire tourner une blague sociale en évocation dérangeante de la pédophilie de Michael Jackson.

Il s’étonne du manque d’intelligence et de l’absence d’ambition de la majorité des Québécois tout en s’incluant dans son sévère constat. Il commet d’ailleurs lui-même des sophismes extrêmes, tout le temps. Mais il en est conscient, les utilisant comme outils comiques.

Dans tous les cas, il ne dit rien de bien neuf : les sujets sont éculés au maximum, ont été débattus jusqu’à la moelle sur toutes les tribunes. Mais il faut avouer qu’il y a une grande justesse dans son regard et dans son ton, qu’il y a du percutant et du lucide dans ses énergiques plaidoyers. Et ce, même s’il recourt trop facilement à l’insulte facile contre la «matante» et le «mononcle»: des entités dont on finit par ne plus trop savoir qui elles sont et dont l’évocation n’enrichit pas toujours le propos.

Son spectacle flatte dans le sens du poil «les gens intelligents» même s’il ne leur apprend rien : il y a peut-être ainsi une forme de complaisance dans le fait de s’adresser à un public vendu d’avance et à le réconforter dans ses positions. Mais peut-il vraiment l’éviter? On sent en tout cas Wagner soucieux de la question du public auquel il s’adresse – il ne prend pas cette chose à la légère même s’il n’ose pas véritablement évoluer en dehors de l’horizon d’attente. Quand son spectacle bifurque vers un humour plus génital et plus discutable, dans une longue diatribe sur le vagin, on sent qu’il part en quête de l’autre public, celui moins gauchiste et moins documenté, finalement celui que s’arrachent tous les humoristes consensuels que cette province engendre année après année. On a un peu envie de lui dire qu’il erre, qu’il n’a pas besoin d’en faire autant, qu’on l’aimerait mieux s’il assumait n’être pas cet humoriste cliché qui base toute son œuvre sur une classification débile des différences entre les hommes et les femmes. Heureusement qu’il passe rapidement à d’autres sujets.

Surconscient de lui-même, Wagner fait parfois trop d’autoréférentialité, comme s’il avait toujours besoin de se définir ou comme s’il s’excusait d’exister – encore une manie d’humoriste qui veut plaire à tous (même s’il dit qu’il s’en fout). À force de trop s’annoncer comme l’«humoriste qui vous rappelle la marde dans laquelle vous vivez» ou comme «celui qui ne fait pas de feel-good show», il tend à amoindrir ses effets. Quand, toutefois, cette manie de s’excuser fait place à une authentique et savoureuse autodérision, on rit avec lui de bon coeur. Même quand cette autodérision se mêle à différentes formes dégocentrisme, d’arrogance et de prétention (lesquelles sont si assumées qu’elles font également rigoler).

On l’a dit : c’est un showman redoutable. Énergique, doté d’une forte présence et d’un charisme indéniable, il brûle les planches sans en faire trop, osant aussi un humour physique qui s’étire parfois en longueur mais qui ajoute une dose bienvenue de spectaculaire à la formule du one-man-show.

 

Ce soir, 7 octobre, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts
Le 13 octobre à la salle Albert-Rousseau (Québec)
En tournée du 17 octobre au 13 novembre dans les couronnes montréalaises (voir les dates par ici)
En tournée partout au Québec dès le 20 novembre (voir les dates par ici)