Édith Patenaude / 1984 : La fable rétro-futuriste qui dérange encore
Scène

Édith Patenaude / 1984 : La fable rétro-futuriste qui dérange encore

Édith Patenaude, jeune femme de théâtre brillante et montante qui nous avait donné L’absence de guerre, s’attaque au classique du Nostradamus de la littérature anglaise. Un texte immortel et (c’est un lieu commun) toujours brûlant d’actualité. 

Tout le monde devrait avoir lu 1984 de George Orwell, un passionnant récit de science-fiction tellement sombre, mais tout de même réaliste (avec du recul), qui avait été écrit juste après la Seconde Guerre mondiale. L’auteur avait prédit un tas de choses: la surveillance, notamment par caméra, le contrôle de l’information dans les médias et l’omniprésence des écrans dans nos vies, de la télévision aux ordinateurs en passant par le téléphone intelligent qui nous suit jusqu’aux toilettes ou sous l’oreiller. «Beaucoup de ce qu’on consomme à travers des écrans est engourdissant pour la pensée, alors qu’on pense que d’avoir accès à ces zones de loisirs là apporte un bien-être qui prouve notre liberté.» Selon Édith Patenaude, on vit dans un monde qui nous abrutit au lieu de cultiver notre intelligence et «on en redemande».

C’est en voyage que la metteure en scène est tombée sur l’adaptation théâtrale, dans une librairie spécialisée en dramaturgie de Londres. Des dialogues et des didascalies écrits par Robert Icke et Duncan Macmillan, un livre en format paperback paru en octobre 2013 puis traduit par Guillaume Corbeil. «J’ai mis ça dans ma valise et j’ai contacté Anne-Marie Olivier [la directrice artistique du Trident] à mon retour.»

Ci-dessous, la bande-annonce de la pièce telle que présentée au Playhouse Theatre de Londres en 2014.

Un texte qui fait une belle place à la novlangue, dialecte du régime de Big Brother, et qui est divisé en scènes somme toute assez courtes. La préface à elle seule risque d’en surprendre plusieurs. «Il y a une espèce d’entrée dans l’œuvre à travers un groupe de lecture. Ça peut avoir l’air vraiment cheezy, mais c’est fait très intelligemment. C’est intégré à l’œuvre d’une façon qui est super cohérente.»

 

Voir double

Édith Patenaude ne fait pas, de son propre aveu, «dans le théâtre esthétisant» ou même technologique. Alors que certains de ses collègues ne jurent que par les projections, comme pour ajouter une dimension supplémentaire à leurs spectacles, Patenaude se contente de servir le texte du mieux qu’elle peut. Mais là, par contre, elle n’avait pas le choix… Avec le scénographe Patrice Charbonneau-Brunelle, elle s’est penchée sur une façon d’incorporer les fameux télécrans qui surveillent sans cesse Winston (Maxim Gaudet), Julia (Claudiane Ruelland) et les autres membres du Parti extérieur. «Dans ce cas-ci, c’était une évidence qu’on avait besoin de l’écran. Moi, j’ai eu envie de l’utiliser pour le lier à l’idée de la double pensée, un concept qui, selon moi, tient du génie! […] On a choisi de présenter comme deux œuvres en simultané pour que les gens aient deux vérités en même temps et qu’ils puissent choisir ce qu’ils veulent regarder.»

Maxim Gaudet dans le rôle de Winston (Crédit photo: Stéphane Bourgeois & Hélène Bouffard)
Maxim Gaudet dans le rôle de Winston (Crédit photo: Stéphane Bourgeois & Hélène Bouffard)

Concrètement, ce sera un écran brillant et attrayant qui montre des captations, le plus souvent diffusées en direct, d’une réalité magnifiée notamment par un savant jeu d’éclairages disposés sur scène. En fait, c’est un peu comme si tous les concepteurs et acteurs (spécialement Eliot Laprise qui manipulera la caméra) jouaient eux-mêmes à Big Brother.

Au cinéma, c’est bien connu, on dirige le regard. On contrôle le spectateur et lui cache des choses. Édith Patenaude est, oui, metteure en scène, mais elle se retrouve aussi à porter le chapeau de réalisatrice pour le long plan-séquence qui se renouvellera presque entièrement d’un soir à l’autre.

 

Du 3 au 28 novembre

Au Théâtre du Trident

 

// Mise à jour, 13 novembre à 13h: Le Trident vient tout juste d’annoncer une supplémentaire pour 1984 mis en scène par la génialissime Édith Patenaude. L’équipe de comédiens portée par Maxim Gaudet offrira une deuxième représentation le samedi 28 novembre à 20h. Billets en vente dès maintenant via billetech.com