Michel Marc Bouchard / La Divine Illusion : Au Carré d'Youville en 1905
Scène

Michel Marc Bouchard / La Divine Illusion : Au Carré d’Youville en 1905

Le plus récent texte de l’auteur de Tom à la ferme s’inspire d’un fait réel, du passage hautement médiatisé de Sarah Bernhardt à Québec en 1905. Une pièce brodée autour d’une controverse vieille de 110 ans qui continue de fasciner et, manifestement, d’inspirer les créateurs.

« C’est important de savoir que ce n’est pas une pièce sur Sarah Bernhardt. C’est une pièce sur sa visite à Québec en 1905, l’impact qu’elle a eu pendant ces trois jours-là. […] Le personnage principal n’est pas Sarah Bernhardt, mais  bien un jeune séminariste du nom de Michaud (Simon Beaulé-Bulman) qui a plus de dévotion pour elle que pour l’Église catholique au grand complet. » Autrement écrit, la mythique comédienne française devient en quelque sorte un prétexte pour parler de la société québécoise au début du 20e siècle.

Michel Marc Bouchard (Crédit: Olivier Chasse)
Michel Marc Bouchard (Crédit: Olivier Chasse)

La Divine Illusion résulte d’une grande recherche historique. Les thèmes abordés par Michel Marc Bouchard sont riches : l’industrie de la chaussure (dont les conditions médiocres de travail des ouvriers, parfois des enfants, étaient un réel fléau à Québec ces années-là), la puissance de l’Église catholique et Sarah Bernhardt comme symbole ou porte-étendard de l’Art avec une majuscule.

C’est aussi le récit d’une amitié, celle qui unit deux futurs prêtres qui complètent leur sacerdoce ensemble.  « Michaud appartient vraiment à une classe bourgeoise et il n’a jamais connu la misère alors que Talbot (Mikhaïl Ahooja) arrive avec un fardeau, un lourd passé. » Apprenti dramaturge, le héros choisira son camarade d’études comme sujet pour sa première pièce. Avec lui, Michaud découvrira le sombre sort des enfants forcés à travailler en usine et les abus que certains élèves subissent dans les collèges. Deux réalités auxquelles il n’avait jamais été confronté jusque-là, deux thèmes encore cruellement actuels. « Il y a encore trois millions cinq cent mille enfants qui sont exploités partout à travers la planète et dont nous consommons les produits chaque jour. L’abus des enfants, on en parle encore présentement. »

 

« À quoi sert le théâtre? »

Commandé par le Shaw Festival de Niagara-on-the-Lake, The Divine (c’est le titre original anglais) a été présenté en grande première au mois de juillet dernier.  Michel Marc Bouchard a toutefois choisi son sujet et joui d’une grande liberté artistique. Sa seule contrainte? Que l’action de sa pièce ait lieu à l’époque où vivait Bernard Shaw, l’homme qui avait écrit Pygmalion et remporté le Prix Nobel de la littérature qui donne son nom de famille à l’événement théâtral ontarien.

Pour ce projet, l’écrivain d’origine jeannoise dit s’être influencé de l’adolescent qu’il était à 16 au 17 ans, de son éveil à l’art. Il a également réfléchi à la valeur de son travail comme créateur. « Les questions qui m’habitaient pendant que j’écrivais étaient : “à quoi sert le théâtre? À quoi servent les arts? Par rapport au théâtre, est-ce que nous parlons uniquement à des convaincus? Est-ce que la droite parle seulement à la droite et la gauche seulement à la gauche? Sommes-nous en train de parler au public en ayant l’impression de défoncer des portes qui sont déjà ouvertes?” La réponse vient de Sarah Bernhardt dans ce qu’elle a dit à l’archevêque de Québec au moment où elle joue au Théâtre de l’Auditorium. À la fin de la représentation d’Adrienne Lecouvreur, elle a répondu à l’évêque sur scène et j’avais le texte retranscrit. » N’empêche : cette allocution bien réelle et anticléricale a été raccourcie, modifiée aussi. La Divine Illusion n’est pas, pour reprendre le mot choisi par Bouchard, un « documentaire ».

Fonds Fred C. Würtele . - août 1904, Bibliothèque et Archives nationales du Québec (Cote: P546,D3,P33)
Fonds Fred C. Würtele . – août 1904, Bibliothèque et Archives nationales du Québec (Cote: P546,D3,P33)

 

N’empêche : il garantit que l’actrice Anne-Marie Cadieux conserve le « côté flamboyant, très impulsif, très diva » de celle qu’on avait surnommée la Divine. Une légende dont la mémoire subsiste même en l’absence de longs métrages ou de traces vraiment substantielles de son jeu. « C’est quelqu’un qui a vraiment marqué son époque et pas seulement en théâtre, comme personnalité aussi. Elle est la première à avoir fait un world tour, c’est d’ailleurs un terme qu’on a inventé pour elle. Elle est allée jusqu’en Russie, elle est allée au Mexique, en Amérique latine. Aussi, elle interprétait des rôles d’hommes, dont Hamlet et l’Aiglon. […] Elle s’est énormément impliquée politiquement en France, elle était sculptrice et, quand même, Victor Hugo a écrit pour elle. » Une féministe avant l’heure et une Lady Gaga de son temps? Assurément, conclut Bouchard.

 

Du 10 novembre au 5 décembre

Théâtre du Nouveau Monde

 

Les 15 au 16 janvier à Gatineau (Maison de la culture), le 18 janvier à Québec (Salle Albert-Rousseau), le 20 janvier à Saguenay (Théâtre Banque Nationale), le 23 janvier à Rimouski (Théâtre Desjardins-Telus), le 28 janvier à Drummondville (Maison des arts Desjardins), le 2 février à Sherbrooke (Salle Maurice O’Bready), le 5 février à Laval (Salle André-Mathieu)