Les hauts-parleurs / Être adolescent l’été
Histoire d’adolescence et de profondes mutations vécues en un été rural, Les hauts-parleurs est surtout un récit touchant de transmission intergénérationnelle. La nouvelle pièce de Sébastien David se déploie en fines pointes d’humour et de tendresse.
La passion de la musique est le véhicule à travers lequel le Fils (Guillaume Gauthier) et son voisin (Richard Thériault) feront ensemble un bout de route. Dans le village dans lequel il vient d’emménager avec son père, le Fils ne connaît personne. Il n’y a de toute façon pas grand-monde à rencontrer: tout le monde semble avoir quitté la région pour des vacances au soleil, ne lui laissant comme terrain de jeu que des rues désertes et une âme peinée d’avoir dû quitter une mère fragilisée par une maladie mentale.
Le voisin, homme solitaire au sujet duquel les enfants du village ont fait courir toutes sortes de rumeurs absurdes, a abandonné une carrière glorieuse de musicien classique pour faire de la musique électroacoustique à l’abri des foules et des regards. Il se montrera pourtant enchanté de rencontrer ce pré-ado sympathique et sensible, à qui il tentera de transmettre une part de sa passion et de son regard sur le monde. Puis, au dépanneur, le Fils se lie d’amitié avec Greta, une drôle de fille en quête d’amour absolu et de petites rébellions.
Un été de langueur et de petits riens, qui aura pourtant construit chez le jeune homme un regard plus nuancé sur le monde et sur l’humain: une leçon de vie à coups de conversations et d’ouverture. À la fin de l’été, chacun aura plus ou moins dompté ses démons et surmonté quelques obstacles psychologiques et affectifs. Une fable d’apprentissage comme il s’en écrit partout et tout le temps, à partir de prémisses quelque peu «pédagogiques» mais avec une texture rurale finement dessinée et surtout une splendide langue de théâtre. Chez Sébastien David, la langue est rythmée comme dans une partition à la constance remarquable. Mais surtout, dans ce cas, elle s’érige par petites touches d’humour, notamment dans les répliques de Greta, qui parle une langue colorée et inventive, émaillée de savoureuses expressions de son cru.
Les parents, leurs blessures et leurs failles, sont très présentes dans le discours de ces ados sensibles, qui ont bien vu à travers la vie de leurs géniteurs que la santé mentale et affective est une chose bien fragile. Peut-on avancer dans la vie sans traîner l’héritage familial? C’est l’une des questions sous-jacentes que peut poser ce texte, qui propose en quelque sorte l’ouverture à l’autre comme manière de cultiver un regard plus large et de transcender le bagage du passé familial.
Soulignons le jeu des comédiens, toujours dans le mille. Gauthier fait preuve d’une grande justesse, alors que Marie-Hélène Bélanger (Greta) donne beaucoup de singularité et de couleur à son personnage d’adolescente en mal d’amour. Un plaisir, également, de retrouver Richard Thériault, un acteur sous-évalué qu’on tient en haute estime depuis son marquant rôle du notaire dans Incendies, de Wajdi Mouawad. La mise en scène, sobre et fluide, leur laisse tout l’espace dont ils ont besoin pour camper ce doux récit initiatique.
Jusqu’au 21 novembre au Théâtre Denise-Pelletier