Mani Soleymanlou / Cinq à sept : Ces femmes qui boivent
Scène

Mani Soleymanlou / Cinq à sept : Ces femmes qui boivent

Dans un cinq à sept au féminin, les langues se délient. Après Ils étaient quatre, qui mettait en scène la folle soirée de quatre excessifs jeunes hommes, Mani Soleymanlou interroge l’identité féminine dans Cinq à sept. Entrevue.

On peut dire sans se tromper que Mani Soleymanlou sait s’entourer. Pour parler d’identité masculine dans Ils étaient quatre, il avait réuni ses vieux amis, une brochette solide de jeunes acteurs (Éric Bruneau, Jean-Moïse Martin et Guillaume Cyr), pour les mettre en scène dans une soirée d’excès, de poudre et de sexe, explorant leur masculinité à travers la démesure festive. Cette fois, pour mettre en scène le pendant féminin, il a réuni trois actrices aux présences puissantes, Julie LeBretonGeneviève Schmidt et Kathleen Fortin, ainsi qu’une fine dialoguiste au regard éclairé sur les enjeux du féminin, nulle autre que Fanny Britt.

Tout ce monde-là, d’ailleurs, se commet dans une certaine mise à nu: les spectacles de Mani Soleymanlou, depuis sa trilogie Un, Deux et Trois sur l’écartèlement identitaire, sont ancrés dans diverses formes d’autofiction et exigent des acteurs une capacité à mettre en scène sa propre vie, son propre regard sur le monde, ses propres perspectives.

«J’essaie d’effacer de plus en plus la ligne entre le personnage et l’acteur, dit le metteur en scène. On essaie d’aller loin dans les choses et de garder ça crédible, d’entrer dans les détails en cherchant les limites, soucieux d’éviter l’obscénité mais pas le cru. Je pense que moins il y a de distance et de quatrième mur, plus le spectateur se projette avec nous, se reconnaît en nous. Cinq à sept oscille entre le stand-up théâtral et le théâtre-récit: c’est une pièce dans laquelle chacun prend le crachoir et se raconte. Ça m’impressionne ce que ces actrices sont prêtes à dire sur elles-mêmes. Il y a une ouverture à parler de soi qui est évidemment emblématique de notre époque d’autoglorification, mais c’est aussi un acte touchant d’humanité et de vulnérabilité. On est dans des zones extrêmement limites, par moments. Mais avec le tact de Fanny, ça passe magnifiquement bien.»

Rapport au corps, au rôle de la femme dans la société, à la violence envers les femmes, à la maternité, au consentement sexuel: la discussion de ces trois comédiennes, verre à la main, ne semble pas s’embarrasser de tabous ni de retenue.

«Et bien sûr, inévitablement, l’enjeu du couple, ou la notion d’engagement, est disséqué de long en large. Avec les gars d’Ils étaient quatre, le sexe prenait toute la place. En prenant des shooters, les filles ne parlent pas seulement de cul. Ce qui ne veut pas dire qu’elles n’en parlent pas. Mais elles sont plus posées, plus réfléchies, plus délicates. On va dans le croustillant, mais plus délicatement.»

 

Du 17 novembre au 5 décembre à l’Espace GO