Stop the tempo : Une issue dans la pénombre
Scène

Stop the tempo : Une issue dans la pénombre

Consommation excessive, rythme de vie effréné, vide existentiel, peuple incapable de faire face à son passé: Michel-Maxime Legault adapte la pièce de l’auteure roumaine Gianina Carbunaria sur l’étrange complicité entre trois jeunes, nés avant la fin du régime totalitaire de Nicolae Ceaușescu, réunis par un projet fou qui les sortira à peine de l’inertie qui marque leur existence et celle de leur pays.

Rolando, Paula et Maria sont au Space, une boîte de nuit où ils sont bien les seuls à ne pas s’amuser. Dans leur rage commune provoquée par des relations amoureuses décevantes, ils se remarquent et s’attirent dans la noirceur et la musique techno. Ils ont peu envie d’être là et encore moins de se parler mais, pourtant, quelque chose à partir cette soirée terne les liera pour les mois à venir.

Crédit: Sophie Samson
Crédit: Sophie Samson

Lucien Bergeron, Marie Eve Morency et Marie-Josée Samson forment ce trio troublé qui mène avec énergie et conviction le texte dur sur une génération blasée. Le trio trouvera une idée qui, temporairement, les soulagera de leur ennui profond : éteindre les lumières et couper le courant des bars et boîtes de nuits de Bucarest. Ils se réjouissent et s’animent de la panique qui s’empare des lieux. La noirceur qu’ils imposent leur rappelle la leur, celle de leur pays, des gens au pouvoir qui ne cessent d’abandonner son peuple. Témoins de l’échec des régimes politiques de leur pays, ils évoluent dans un monde sans repères où l’artificiel domine les rapports humains. Ils leur restent leur entreprise de destruction, qui devient viscérale et nécessaire.

Le texte franc et cru de Gianina Carbunaria adapté par David Laurin est le matériel de base fort puissant de la mise en scène très réussie de Michel-Maxime Legault et Marc-André Thibault. Danielle Lecourtois a créé cette chorégraphie incessante où les corps sont en mouvement constant, essaient de suivre le rythme, s’essoufflent à essayer de tenir le coup, bougent sans entrain. La boîte de nuit triste et délabrée, scénographie signée Odile Gamache, est tapissée d’affiches d’événements électro à venir et de concepts de soirées de beuverie où une génération perdue danse pour ne pas craquer.

Crédit: Sophie Samson
Crédit: Sophie Samson

Chaque jeune de ce trio essaie de ne pas se laisser anéantir par le travail aliénant, l’ambition d’être cool et la déception amoureuse. Julie Basse aux éclairages nous plonge, dans la petite salle du Prospero, au cœur d’un lieu vide qui a besoin d’artifices pour devenir lieu d’intérêt. On en ressort secoué de la violence et du pessimisme du texte, rendu avec justesse et intelligence par le Théâtre de l’Embrasure.

Jusqu’au 12 décembre au Théâtre Prospero