Beu-Bye 15 : Comme un party de bureau de comédiens

On a donné rendez-vous à une partie de la troupe à La Cuisine, resto rétro-écono et chaleureux à quelques pas de La Bordée, pour une pinte, un dîner chaud et une entrevue pas barrée. Autour de la table: Nicola-Frank Vachon, Monika Pilon, Philippe Durocher, dit Duro, et Lucien Ratio.

Plein écran

C’était une dizaine de jours après les attentats de Paris qui les ont forcés à supprimer quelques sketchs, une incontournable composante qui est venue changer le spectacle de façon hyper concrète. Le metteur en scène et superstar de Trainspotting, m’sieur Ratio, nous raconte. «Dans ma tête, y avait tout un gros numéro d’ouverture musical où on chantait que l’État islamique allait se faire clencher. On a jeté tout le début. Il faut avoir une sensibilité par rapport aux événements, il ne faut pas que ce soit « too much too soon« , comme on dit.» Nicola-Frank complète: «Tout d’un coup, la menace terroriste est vraiment passée près de nous. On arrive à un moment où c’est dur d’en rire.» Plutôt que d’éviter le sujet casse-cou, les auteurs s’attaquent à la xénophobie qui se répand sur les fils d’actualité Facebook d’à peu près tout le monde depuis le 13 novembre. Un angle à haut potentiel comique, finalement. «On a un sketch sur les Syriens, mais on ne rit pas d’eux, explique Lucien. On parle de cette espèce de phobie-là de l’étranger, de la peur causée par l’immigration. On fait ça dans un quiz, ce qui fait que ça devient absurde.»

Les numéros avec Harper, joué par un Nicola-Frank brillamment stoïque l’an dernier, ont aussi pris le bord. «Justin Trudeau a scrapé bien des affaires. L’intégral de notre sketch sur lui a changé. Son élection comme premier ministre et la Trudeaumania qui s’en est suivie nous ont forcés à changer d’angle.» Mais l’interprète survolté de Régis Labeaume nous rassure: le roi de Québec reviendra. L’équipe promet aussi un Steven Blaney drôlement niais, un Denis Lévesque «ben tourmenté», une Céline Dion parfaitement semblable et une apparition du commentateur sportif Patrick Lalime.

Les intouchables

Est-ce qu’il y a des gens ou des groupes dont on ne peut pas rire quand on fait une revue de l’année à Québec? Sans hésiter, Lucien Ratio évoquera les femmes autochtones et le petit Jérémy Gabriel. «Est-ce qu’on va imiter un enfant handicapé, qui a été victime de bullying? Ç’a été un gros sujet cette année, il faut en parler, mais on fait ça comment? C’est vraiment touchy, surtout que Duro lui a enseigné à la Maison jaune.» Finalement, le chanteur s’en tire avec un petit gag.

«À l’inverse, il y a ceux qui sont trop touchables! ajoute Philippe. Comme Marcel Aubut cette année… On a quasiment été contents quand c’est sorti! Surtout que c’est un secret de polichinelle à Québec, qu’on le trouvait déjà libidineux.»

La recrue de l’année

La nouvelle acquisition du club à Ratio, c’est l’interprète et auteur Jean-Michel Déry, l’aubergiste dans l’adaptation théâtrale de 1984 par Édith Patenaude au Trident. Lucien nous parle de son grand chum. «C’est un gars de ma classe [au Conservatoire d’art dramatique] et on a toujours travaillé notre bouffon ensemble. Aujourd’hui, on le voit beaucoup dans des rôles classiques ou de méchants, mais moi je ne l’ai pas connu comme ça! C’est vraiment quelqu’un de drôle et il apporte ses couleurs au spectacle.»

Un autre joueur s’ajoute en 2015 et c’est la Buvette Scott. Avant et après chaque représentation, une mini-réplique du bar de Saint-Jean-Baptiste sera aménagée à La Bordée avec un DJ aux platines, un menu bouffe ainsi que des pompes de fût. D’ailleurs, la Microbrasserie de Charlevoix leur a concocté une bière officielle, La Beu-Bye, une bitter dont on dit déjà beaucoup de bien. «Castor Vervaeren présente encore une expo dans le hall. Le but, c’est de s’associer avec le plus de monde autour pour créer une soirée unique. […] C’est aussi, en quelque sorte, le party de bureau des comédiens de Québec. On n’en a pas sinon!»

Du 15 au 20 décembre  à la Bordée