Manuel Roque: Résister quand la nature se désintègre
Scène

Manuel Roque: Résister quand la nature se désintègre

Danseur d’expérience, à la démarche rigoureuse prenant en considération le corps dans son infini détail, Manuel Roque ose pour la première fois chorégraphier une œuvre dans laquelle il ne danse pas. 4-OR questionne l’inconscient et les rapports de l’homme avec son environnement en cette ère de changements climatiques.

Il danse fabuleusement et semble avoir atteint ces dernières années, on l’a vu dans son spectacle Data, un sommet de contrôle de son corps et une rare capacité à en déployer tous les possibles. On s’avoue donc surpris quand, au bout du fil, Manuel Roque confirme qu’il n’apparaîtra pas du tout sur scène dans cette nouvelle pièce pour quatre interprètes choisis pour leur qualité de présence et d’esprit.

«Le désir de chorégraphier m’habite depuis longtemps, dit-il. J’ai envie d’écrire davantage, d’avoir la perspective et la distance qu’il faut pour inventer des pièces plus complètes, ayant bénéficié d’un niveau d’analyse plus élevé, ce que permet le fait d’être en-dehors du plateau. J’avais aussi envie, au début, de voir comment d’autres corps peuvent intégrer une physicalité qui m’est personnelle, mais c’est finalement tout le contraire qui s’est produit dans cette création.  C’est un travail plus minimaliste. Le fait de plonger complètement dans l’écriture chorégraphique, ça m’a mené à enlever le plus de couches, à aller dans l’épure, à mettre en relief les détails. Ce spectacle tente de capter l’humain par des chemins très précis, par le détail, méticuleusement.»

 

Les interprètes Sophie Corriveau, Indiana Escach, Lucie Vigneault et Mark Eden-Towle / Crédit: Marilène Bastien
Les interprètes Sophie Corriveau, Indiana Escach, Lucie Vigneault et Mark Eden-Towle / Crédit: Marilène Bastien

 

4-OR (prononcer Quatuor), est une vaste recherche sur «l’espèce humaine», mais plus encore sur les rapports entre l’humain et son environnement. «Je me sens concerné, dit Roque, par l’enjeu des changements climatiques ».

L’arrière-plan intellectuel de cette pièce se nourrit ainsi d’essais récents sur la question, notamment le livre que Naomi Klein a lancé cette année, Tout peut changer : Capitalisme et changement climatique, mais aussi le précieux essai Collapse, de Jared Diamond (ou en français Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie). « Je m’intéresse à la notion de résilience de l’être humain dans un écosystème menacé, mais aussi à la survie même de cet écosystème, qui résiste encore.»

Étrangement, avec ces thématiques très politiques, Manuel Roque dit être quand même arrivé «à une pièce très abstraite». «C’est un spectacle qui met en scène, de manière minimaliste et en cultivant la qualité de présence de ses interprètes, le combat que mène l’humain pour garder son intégrité alors que la nature se décompose. Les danseurs partagent le même espace que les spectateurs et évoluent selon différents états de corps et différentes kinesthésies; on travaille la présence et l’acuité. J’essaie d’inviter mes interprètes à lutter contre les réflexes qu’on a sur scène de se protéger et à mettre de l’avant une présence totale, sensible, intelligente, intègre.»

Manuel Roque insiste : ce n’est pas une pièce à la gestuelle virtuose. Il s’agit plutôt d’observer les danseuses «traverser de plusieurs manières une séquence de mouvements très écrite». «C’est la résistance, le combat, l’idée de traverser ce monde, de se tenir debout.»

 

Du 3 au 6 décembre au Monument-National
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