Le carnaval des animaux : Aérien et onirique
Plus onirique que véritablement « animal », le spectacle de la troupe australienne CIRCA que met à l’affiche la Tohu pendant les Fêtes est un divertissement imagé et raffiné pour toute la famille, même s’il n’est pas aussi vitaminé et exubérant que ce que son titre laisse croire.
Les spectacles de Circa, mis en scène par Yaron Lifschitz dans un mélange mesuré de danse, d’acrobatie et de musique soigneusement sélectionnée, sont depuis plusieurs années systématiquement présentés à la Tohu. Les circassiens australiens sont des habitués de Montréal, où leur cirque raffiné et musclé fait mouche à tous coups.
Depuis Wunderkammer, pourtant, Circa n’a pas été parmi les compagnies de cirque les plus inventives en Occident et son univers s’édulcore peu à peu dans une forme de représentation très lisse, qui mélange habilement les genres mais qui ne surprend plus guère. Du travail néanmoins excessivement bien fait, et ce Carnaval des animaux pour toute la famille risque de vous faire passer un excellent moment avec le neveu ou les petits-enfants. Soyez toutefois avertis: ce n’est pas le spectacle ultra-festif attendu. Circa, avec cette exploration ludique de l’animalité, évolue plutôt dans le territoire d’un théâtre imagé qui flirte doucement avec la logique du rêve et d’un cirque dansé de manière fluide et musclée.
C’est d’ailleurs ainsi que commence le spectacle, installant tout de suite la signature Circa des dernières années, par un numéro de danse acrobatique aux allures un peu aristocratique mais qui s’amuse à brouiller ces codes, les acrobates portant des vêtements aux coupes nobles et aux motifs populaires. Un joyeux mélange des genres. Des enfants en pyjama sont aussi de la partie et donnent le ton : la camaraderie et l’espièglerie seront au cœur de ce spectacle qui use aussi d’un jeu clownesque assez typique. Proche des traditions françaises du mime, façon Etienne Decroux, l’expressivité des acrobates exhale un parfum suranné, s’ancrant dans une esthétique figée dans le temps et quelque peu cliché, mais heureusement pas exagérée. Plaisir de la citation.
Outre la danse acrobatique dans laquelle Circa excelle, la pièce aligne les numéros de tissu aérien, de cerceau aérien, d’équilibrisme et de sangles aériennes (d’ailleurs l’un des meilleurs numéros du genre qu’il m’ait été donné de voir). Le carnaval des animaux est ainsi une pièce qui vole haut, qui évoque l’élévation humaine et la sublimation du monde par un regard vers les cieux. Un cirque qui choisit les nuages comme territoire et qui, ainsi, raconte l’irrationnel et le mystique, le plaisir de l’exploration du plus-grand-que-soi et de l’inexpliqué.
Le spectacle s’annonçait pourtant comme une exploration de l’animalité et du plaisir de retrouver en soi le comportement de l’animal joueur et intempestif. Bof. Cette idée est davantage présente dans les univers visuels en arrière-plan de l’action que dans le travail du corps. Ainsi on reconnaîtra l’univers aquatique plaqué en vidéo en arrière-scène, comme on se laissera attendrir par quelques dauphins gonflables et quelques ballons lancés dans la foule. Mais on a déjà vu plus féconde recherche sur l’animalité…
Un spectacle néanmoins raffiné et énergique, qui semble rallier petits et grands.