La vague parfaite : Surfer sur l'échelle de la coolitude
Scène

La vague parfaite : Surfer sur l’échelle de la coolitude

C’est le mal du siècle : l’envie de plaire, d’avoir du «swag», de performer mieux que le voisin, tout en restant «zen». Au Théâtre du Futur, Guillaume Tremblay et son comparse Olivier Morin déboulonnent cette propension à la coolitude dans un opéra-pop mettant en scène des surfeurs aux abords d’un nouveau monde. Explications.

Ils ont anticipé, sur fond rock, un Québec souverain sauvé de l’abîme par Clotaire Rapaille. Puis ils ont imaginé, sur fond radiophonique, un Québec arrivé à son huitième référendum mené par Gilles Duceppe. L’an dernier, sortant violons et accordéons, ils ont décrit un Québec prospère qui renoue avec ses traditions et ses racines amérindiennes à l’aube de l’an 2035. Ils font du théâtre d’anticipation et renouvellent le genre du théâtre musical avec leur esprit potache et satirique mais surtout un plaisir à déconstruire différentes traditions musicales et à les théâtraliser.

Cette fois, Olivier Morin et Guillaume Tremblay flirtent avec les codes de l’opéra et mettent le cap sur des paysages ensoleillés, inventant des personnages de surfeurs trop cools pour la ligue. La vague parfaite est à nouveau une fable post-apocalyptique ludique, qui imagine la fin d’un monde idyllique. Leurs jeunes surfeurs réfugiés sur une île du Pacifique dans l’attente de la plus grosse vague de l’histoire seront brutalement sortis de leur eden tropical. Quand ladite vague anéantit leur paradis, ils se réfugient en Scandinavie, là où, c’est bien connu, la vie est bonne et juste pour tous.

«Les Québécois aiment croire que l’Islande est l’endroit idéal, dit Guillaume Tremblay. Avec ses politiques sociales généreuses, la Scandinavie est devenu le mythe de la vie juste et du vivre-ensemble réussi. Mais, au fond, combien d’entre nous y avons déjà mis les pieds? Nos personnages sont à la recherche du lieu parfait, de la nouvelle utopie, mais même en Scandinavie, cet avenir radieux n’aura pas lieu, parce que rien n’est jamais si simple.»

Mais surtout, via cet opéra-surf, Tremblay s’intéresse, sourire en coin, aux diktats d’une société qui, d’une part, exige la performance et, de l’autre, glorifie la détente, le loisir et l’attitude cool et désinvolte jusqu’à plus soif. «On se moque, dit-il, de la tyrannie de la relaxation et du bien-être à tout prix, de la culture du surf mais aussi de la micro-culture du spa ou du yoga.  Nos personnages sont faussement hippies. Derrière leur attitude babacool se cache un comportement bien moins zen. On questionne amoureusement cette culture du bien-être, car elle n’a pas que du mauvais. Mais ses excès sont évidemment intéressants à parodier.»

En parallèle, la pièce cherche à décoincer l’opéra. La distribution, composée presque uniquement de vrais chanteurs lyriques, est invitée à bousculer les réflexes acquis lors de la formation musicale classique. «En quelque sorte, on aplatit l’opéra; on le remet à zéro puis on le réinvente.»

À l’Espace Libre du 12 au 30 janvier