Maryse Damecour / Exister encore : Pour un flirt avec le burn out
Scène

Maryse Damecour / Exister encore : Pour un flirt avec le burn out

Maryse Damecour est l’une des plus intrigantes chorégraphes du moment au Québec, investie, éloquente, perfectionniste au possible. Elle nous parle de sa nouvelle création, une pièce encyclopédique sans précédent.

Tout commence en décembre 2012. Croisée un soir de buverie au Sacrilège, pub notoire du quartier St-Jean-Baptiste à Québec, Maryse Damecour récoltait les gestes des inconnus (ou pas) croisés au hasard avec sa petite caméra. « Salut! Je fais une collecte de mouvements. Est-ce que tu veux participer? » Sa phrase d’accroche ressemblait à quelque chose comme ça. Sans hésiter, une journaliste que vous êtes en train de lire (allô!) acceptait son offre. Au total, nous avons été 178 curieux, danseurs ou non, à se prêter au jeu.

Répertoriés dans un dossier Excel, ces 331 cadeaux spontanément livrés ont été baptisés par l’artiste avant d’être assemblés: ADN, le jazzman autiste, samouraï, Madonna, bras-avion, les adieux. Tous sont écrits et visibles sur des parchemins, en genre de papier Kraft un peu plus mince, dans le décor du spectacle. Une scénographie qui rappelle nos listes étouffantes de choses à faire, celles qui mènent au surmenage, à l’épuisement, aux dépressions. Un thème qui touche tout le monde. « À la base de ça, il y a une démarche 100% enracinée dans un questionnement sur la société contemporaine hyperactive. Quand on étudie les théories de Carl Jung, on réalise que l’humain, comme toutes choses dans la nature, est fait pour avoir des périodes d’activités et des périodes de dormances. Aujourd’hui, on valorise beaucoup plus la sphère active que la sphère de dormance, de digestion et tout ça. Je pense que ça crée un déséquilibre et un genre de petite maladie mentale collective, un trouble d’attention généralisée. »

Crédit: Instagram, via @cathge
Crédit: Instagram, via @cathge

Cette pièce, c’est aussi une mise en abîme. C’est une réflexion sur la pression qu’elle se met pour tout faire vite, performer dans un domaine où beaucoup sont formés et peu en font un métier. « C’est intéressant parce que ça s’inscrit dans un processus de production où je suis seule, avec peu d’argent, donc tout à faire avec peu, et que au fond ma vie en ce moment c’est comme la pièce. […] Avec Exister encore, je veux exorciser ça, le dénoncer et chasser ça de ma vie. »

Néanmoins bien entourée par une équipe de concepteurs inspirés dont l’éclairagiste Philippe Lessard Drolet, Maryse Damecour a confié la trame sonore à l’artiste multidisciplinaire Mériol Lehmann. Des retrouvailles, puisqu’ils avaient travaillé ensemble sur La petite mort au printemps 2013. « Lui et moi avons choisi de lui imposer une contrainte. Toute la musique, tous les sons proviennent entièrement de la collecte de mouvements, donc de ma petite caméra. » Une idée cacophonique sur papier, mais, étrangement, hyper mélodique au final.

 

Vers la rédemption

À la recherche de son équilibre, du bien-être dans sa tête et son corps, Maryse Damecour est allé suivre une formation d’axis syllabus au Massachusetts. C’est là, en plus de Québec et Montréal, qu’elle est allée puiser les mouvements qui allaient composer Exister encore. Un cours qui change sa façon de bouger, de chorégraphier surtout. « C’est une spécialisation que je développe depuis plusieurs années. C’est en fait une technique qui incorpore la science dans la danse, donc, par exemple, j’étudie l’anatomie, la biomécanique et j’applique ça à la danse. Ça permet des mouvements plus précis et plus sains pour le danseur. » Éventuellement, elle aimerait transmettre ses connaissances à tout le monde, pas juste aux pros, pour leur éviter des blessures.

 

Du 21 au 23 janvier 2016

Salle Multi de Méduse (Québec)

* Atelier de collages de mouvements le samedi de 18h à 19h

 

 

Du 28 au 31 janvier 2016

Monument National (Montréal)