Anne-Marie Ouellet : À l’écoute de la mémoire
Avec Impatience, elle travaillait avec des adolescents «non-acteurs», leur laissant sur scène la liberté de se raconter et d’imaginer l’avenir avec leurs craintes et leurs espoirs. Reprenant la même démarche, cette fois auprès de personnes âgées, Anne-Marie Ouellet explore la beauté, la difficulté et la fragilité de la vieillesse. Entrevue.
Pendant un peu plus d’un an, Anne-Marie Ouellet et Thomas Sinou ont animé, sur une base volontaire, des ateliers avec un groupe restreint de patients dans un CHSLD de la ville. Les «ateliers de théâtre et de conversations» leur ont permis de faire des rencontres privilégiées avec des personnes âgées, mais surtout de leur donner l’opportunité de s’ouvrir, de s’exprimer, de valoriser leurs souvenirs.
«Jamais on ne leur a demandé de jouer un personnage, de mettre un costume, d’interpréter autre chose qu’eux-mêmes. C’était plutôt de trouver des stratégies pour qu’ils se dévoilent, sans trop y penser. C’est des stratégies qu’on avait développées avec nos ados. On travaille beaucoup avec des écouteurs, de la musique, on les met dans un jeu; ils parlent et se racontent en oubliant qu’on les écoute. Quand on a confiance que les gens nous écoutent, on tombe vite dans une représentation de soi-même, peu importe son âge. Alors que si je leur faisais écouter une chanson avec les écouteurs et leur disait que dès que ça leur évoque un souvenir, de le raconter, avec la musique et leur attention sur celle-ci, ils étaient aptes à mieux livrer leur parole sur cette écoute-là».
Les mêmes jeux avec la musique, les sons, l’écoute intime d’une chanson avec les écouteurs ont donc été utilisés dans un espace scénique qui laissera place à la danse et aux mots d’individus qui se font trop peu entendre. La conceptrice souhaite ainsi «valoriser leur sagesse, mettre en lumière leurs belles rides» dans ce spectacle qui présente des portraits impressionnistes de ses acteurs. «Ce qui m’a fascinée, c’est le mélange qu’ils représentent. Ils ont été des adultes, des ados, des enfants, et on dirait que c’est encore tout là et que ça ressort par parcelles. Peut-être parce qu’ils arrivent à s’oublier».
Thomas Sinou, Nancy Bussière et Hugo Dalphond, respectivement aux conceptions sonore, visuelle et vidéo, ont cherché à construire un univers presqu’onirique où l’absence, les souvenirs, vifs comme confus, ponctuent le quotidien de ces personnes rencontrées. «On utilise beaucoup de vieilles chansons dans le spectacle, mais il n’y a que les acteurs qui vont les entendre dans leurs écouteurs. La musique est là pour les porter, les habiter, les aider à se remémorer des choses. Nous, on a accès à ce que ça éveille chez eux, mais pas à ce qu’ils entendent. On a travaillé avec les concepteurs avec la lumière, les sons, sur les concepts d’apparition et disparition. On n’avait pas envie de faire quelque chose de spectaculaire, de trop fini et fignolé; on voulait rester près de la matière brute».
Du 1er au 5 mars à l’Usine C