Thomas Gionet-Lavigne / S'aimer : Le Grand Hector
Scène

Thomas Gionet-Lavigne / S’aimer : Le Grand Hector

Il a marqué le Québec de sa plume, comme de la pointe d’un compas qui laisse une gravure indélébile sur un banc public en plastique. Hector de Saint-Denys Garneau continue de vivre par ses mots, et son œuvre hante le dramaturge Thomas Gionet-Lavigne.

S’aimer, c’est le monologue d’un homme obsédé par le spectre de l’écrivain disparu aux abords de la rivière Jacques-Cartier en 1943. Un poète maudit qui, à l’instar de Nelligan ou même d’Arcan, nous fascine par son mythe, son décès encore irrésolu à ce jour. Suicide ou crise cardiaque? Le mystère est presque plus grand que son œuvre. «L’une des affaires les plus fascinantes [avec Saint-Denys Garneau], c’est qu’il est mort sans penser qu’il allait un jour devenir ce qu’il est aujourd’hui, explique l’auteur et seul interprète de la pièce Thomas Gionet-Lavigne. C’est quelque chose qui s’est confirmé a posteriori.»

Thomas Gionet-Lavigne (Crédit:  Hugo Lamarre)
Thomas Gionet-Lavigne (Crédit: Hugo Lamarre)

Selon la légende, Hector avait lui-même retiré tous les exemplaires de Regards et jeux dans l’espace des librairies après sa parution. Une anecdote évoquée dans la pièce. «Il avait été un peu critiqué et il était trop sensible. Il s’est éjecté lui-même. […] Notre piste, c’est que Saint-Denys Garneau ne s’aimait pas. Le personnage principal tente, petit à petit, de comprendre pourquoi.»

 

Héritier de Lepage

La biographie occupe une place importante, presque centrale, dans la production de Gionet-Lavigne. Il s’est préalablement intéressé à Jack Kerouac (Route, 2010), à Alfred Hitchcock (Loin, 2012) et au peintre paysagiste John Lyman pour une création commandée par le MNBAQ en 2014. Une démarche bonifiée de longues heures de recherche qui n’est pas sans rappeler celle d’Éric Plamondon ou, plus près de chez nous, Robert Lepage. «C’est des gens dont il faut parler, c’est notre mémoire. C’est aussi des artistes qui me rejoignent et que je trouve hot. Ce qui me fait vraiment tripper, c’est le gars ordinaire qui se compare à l’artiste comme si la grande histoire se mêlait à la petite.»

Ce type-là, dans le cas qui nous concerne, c’est un photographe éperdu d’amour pour celle qui l’a quitté, une étudiante qui complétait une maîtrise sur le célèbre arrière-petit-fils de François-Xavier Garneau. «C’est comme une quête pour regagner sa copine. Elle l’a laissé en lui donnant un recueil de Saint-Denys Garneau. Elle lui a dit: “Lis ça, c’est toi, et je veux pas que tu finisses comme lui”.»

Le Léviathan (Crédit: Rémy Barbonne)
Le Léviathan (Crédit: Rémy Barbonne)

Outre les mots d’outre-tombe, il y a aussi l’actuel travail du photographe local Rémy Barbonne qui est célébré dans ce spectacle réellement multidisciplinaire. Des images qui seront traitées puis projetées sur le décor de la scénographe Gabrielle Doucet qui lui servira, au fond, essentiellement de support. «On s’est intéressés à la photographie argentique de Rémy, que je trouve magnifique. En fait, c’était même la prémisse du spectacle. J’ai commencé à tripper sur les photos de Rémy en même temps que sur Saint-Denys Garneau et je me suis dit que ce serait intéressant de faire un lien entre les deux.»

 

Du 8 au 26 mars au Théâtre Périscope