Native Girl Syndrome : Échos du passé
Scène

Native Girl Syndrome : Échos du passé

Native Girl Syndrome de Lara Kramer présente avec force et violence l’univers de la rue à travers des corps en mouvement brisés et en détresse. Entrevue avec la créatrice. 

C’est d’abord l’histoire de la grand-mère de Lara Kramer qui, jeune femme, décide de quitter une communauté autochtone isolée pour aller à la rencontre de la ville. Cette recherche de nouveauté se transforme en désorientation culturelle, en perte de repères et, ultimement, en comportement autodestructeur dans un environnement urbain déstabilisant. Lara Kramer a voulu comprendre le parcours de cette femme ravagée par l’itinérance, qu’elle n’a pas connue. Un sujet intime qui a pris des proportions plus vastes pour toucher au déracinement, aux effets du colonialisme et de bien d’autres sujets qui ont laissé des traces jusqu’aux générations présentes.

«Ce que je connaissais de ma grand-mère était minimal. Nous nous sommes rencontrées qu’une seule fois et, à ce moment, on pouvait voir très facilement les effets de la drogue et de l’alcool chez elle. Pour moi, le but était d’essayer de comprendre cet univers et aussi de creuser dans toutes les couches du sujet afin de comprendre d’où vient la dépendance, pourquoi ça se passe ainsi. C’est ensuite devenu beaucoup plus grand, vaste, et en quelque sorte universel, aussi».

Native Girl Syndrome / Crédit: Marc J. Chalifoux
Native Girl Syndrome / Crédit: Marc J. Chalifoux

Les racines autochtones de Lara Kramer occupent une grande partie des fondements des créations de Lara Kramer qui, avec Native Girl Syndrome, observe les traumatismes d’un passé lourd de violence et de domination à l’endroit des communautés autochtones. «La forme du spectacle a changé au milieu du processus créatif. Je l’ai changée en cours de route au niveau de l’esthétique. J’avais l’intuition profonde que je ne voulais pas faire la lumière sur un sujet assez chargé, le rendre léger, car il y avait une certaine profondeur au sujet à respecter». 

Interprété par deux danseuses (Karina Iraola et Angie Cheng), ce spectacle de danse utilise également le théâtre pour puiser au cœur des traumatismes et de l’existence trouble d’une femme perdue. «Ma grand-mère n’est pas devenue dépendante à la drogue du jour au lendemain. Il y a toute l’histoire de son passé, de l’effet du colonialisme, du pensionnat autochtone, du déplacement de sa famille et de la violence qu’elle a subi». 

Native Girl Syndrome / Crédit: Marc J. Chalifoux
Native Girl Syndrome / Crédit: Marc J. Chalifoux

Les artistes qu’elle a dirigé dans cette création qui a entre autres déjà visité Montréal, Ottawa et Toronto ont participé à des réflexions sur les sujets abordés, tant dans un processus d’introspection que des échanges avec elle. «Il y a eu beaucoup de discussions et de recherches sur l’effet de la drogue sur le corps, ce que ça veut dire et comment ça affecte le physique, fragmente le corps. C’était un chemin à suivre pour les interprètes. Se sont ajoutées des discussions sur non seulement mon histoire personnelle avec ma famille, mais aussi à un niveau pour national et universel». 

 À l’Espace Libre jusqu’au 19 mars