Plyball : Du pain et des jeux
Scène

Plyball : Du pain et des jeux

Le plyball , c’est un sport inventé pour les besoins d’une pièce de théâtre qui cherche à réfléchir à la démocratie, à la justice, au tribunal populaire, aux lois et aux institutions. Avec deux balles, deux hommes, une cage et une arbitre, la pièce de Gabriel Plante est prometteuse mais ne va pas au bout de ses possibilités.

Le sport et le théâtre, dans leurs fondements, se ressemblent. C’est une évidence. Même recours à la performativité; même ancrage dans la notion de conflit; même déroulement par mise en place d’une série de conventions; même nécessité de se déployer devant public pour accomplir sa véritable mission de rassemblement; même adulation des foules pour ses vedettes.

Alexis Lefebvre, Gabrielle Côté et Simon-Xavier Lefebvre dans Plyball / Crédit: Maxim Paré Fortin
Alexis Lefebvre, Gabrielle Côté et Simon-Xavier Lefebvre dans Plyball / Crédit: Maxim Paré Fortin

« Du pain et des jeux », disait-on chez les Romains pour parler de l’engouement du peuple pour les Ludi , lesquels intégraient bien sûr un peu de théâtre, nez à nez avec l’athlétisme et les courses de chevaux.  La pièce de Gabriel Plante nous invite à faire ce rapprochement, utilisant les mécanismes du sport pour inventer une forme théâtrale inusitée et pour réfléchir aux règles et aux cadres dans lesquels nous vivons nos vies et que nous ne savons que rarement contester, même quand ils sont injustes. La chose est très fertile mais le spectacle vu cette semaine à La Chapelle nous a semblé être une première étape, le simple début de quelque chose qui pourrait devenir très grand.

Sans tout dévoiler, révélons que ce sport se jouant en trois rounds sera peu à peu soumis au jugement d’une arbitre (Gabrielle Côté) dont la justesse du regard se révèlera incertaine, puis au jugement des spectateurs, qui n’est en rien plus sûr. Sur quelles bases établit-on des règles et les fait-on respecter?, demande le spectacle, l’air de rien. Comme ça, par la simple reproduction d’un événement sportif devant un public complice (qu’on invite à se faire bruyant), la pièce agite la question de la justice, déploie un tribunal populaire spontané, flirte avec la question de la démocratie. En faisant participer le public, Gabriel Plante explore l’adhésion enthousiaste des foules à des sports qui leur fournissent des modèles humains à la hauteur de leurs aspirations : des hommes athlétiques dont l’observation passionnée assouvit notre besoin d’adulation, notre désir d’avoir la foi en quelque chose de démesuré, de trouver un maître sur lequel modeler notre image et nos comportements. C’est aussi un regard sur une société du spectacle qui accompagne le sport d’un enrobage clinquant.

Les frères Lefebvre se soumettant au jugement du public / Crédit: Maxim Paré Fortin
Les frères Lefebvre se soumettant au jugement du public / Crédit: Maxim Paré Fortin

Mais malgré que le sport en lui-même soit captivant à regarder et que les mécanismes dramaturgiques pour le faire dérailler et provoquer la réflexion soient intelligents, ils demeurent de l’ordre de la simplicité et de l’évidence, n’étant pas menés jusqu’à leurs inquiétantes extrémités et n’arrivant jamais à faire naître une vraie critique sociale. Autrement dit, le dispositif sportif est sous-exploité, pas assez théâtralisé, pas décortiqué assez soigneusement, pas assez ouvert. Au point que l’auteur, par un réflexe qui a tout l’air de s’apparenter à de l’insécurité vis-à-vis son propos politique, met dans la bouche de l’arbitre des phrases toutes faites qui plaquent un discours critique là il aurait dû apparaître de lui-même, dans le mouvement naturel de la pièce et dans la progression spontanée de la joute sportive.

Mention spéciale aux frères Alexis et Simon-Xavier Lefebvre, qui suent et s’usent les genoux sans relâche au service du plyball.

Encore une représentation ce soir, 14 mai 2016, au Théâtre La Chapelle