Le FTA en 5 arrêts
En Amérique du Nord, le FTA n’a pas son pareil: un festival iconoclaste et allumé qui fait notre fierté et notre renommée. La programmation de cette année va dans plusieurs directions. Laissez-nous vous tracer un peu le chemin.
Le spectacle incontournable: Une île flottante
Christoph Marthaler n’est pas venu présenter un spectacle à Montréal depuis 1997. Une honte. Car le grand metteur en scène suisse-allemand, qui a inventé une esthétique unique, sorte de torsion du vaudeville dans un espace-temps éthéré et dans de fabuleux décors rétro-kitsch, n’a pas cessé, depuis, d’ébahir les spectateurs européens avec des spectacles formellement jouissifs. Il était temps que nous ayons notre dose. Une île flottante (Das Weisse vom Ei) est une adaptation d’un vaudeville de Labiche dans lequel Marthaler s’amuse avec les langues, croisant l’allemand et le français dans de savantes incompréhensions. Ses acteurs sont aussi de fabuleux chanteurs: chez Marthaler, la musique et le chant arrivent de partout, se déployant dans un mouvement quasi indétectable.
L’inquiétante étrangeté: The Ventriloquists Convention
Digne descendante artistique de Kantor et de son théâtre conviant les fantômes sur scène en croisant les acteurs et les marionnettes ou les poupées de cire, la Française Gisèle Vienne travaille depuis des années avec l’auteur américain Dennis Cooper. Cette fois, dans cette pièce qui reconstitue le congrès international annuel des ventriloques, elle convie sur scène les marionnettistes allemands du Puppentheater Halle, parmi les meilleurs en Europe. La marionnette, chez Gisèle Vienne, n’est pas qu’illusionniste: elle est au cœur d’un étrange ballet entre la présence et l’absence, entre la vie et la mort, entre l’ici-maintenant et l’infiniment archaïque.
Le théâtre expérientiel de Castellucci: Go Down, Moses
On ne sait jamais où va nous emmener l’Italien Romeo Castellucci. Son puissant théâtre d’images mais aussi de sensorialité, qui va parfois jusqu’aux limites des possibilités de la scène et flirte magnifiquement avec l’inconscient, est aussi auréolé de sacré. C’est le cas de cette nouvelle production inspirée d’un hymne religieux des esclaves noirs américains et du mythe de Moïse. On se prépare à l’ébranlement.
Le théâtre documentaire de chez nous: J’aime Hydro
La comédienne Christine Beaulieu joue à l’enquêteuse depuis plusieurs mois pour créer J’aime Hydro, dont la mise en scène sera signée Philippe Cyr. La première partie, présentée au dernier OFFTA, nous a permis de découvrir une forme théâtrale documentaire inusitée s’inspirant de la série radiophonique américaine Serial pour inventer une forme de théâtre sonore qui pourra être diffusée en plusieurs épisodes sur scène comme en baladodiffusion. Mais c’est le fond qui compte: Beaulieu cherche notamment à interroger le désir de surproduction d’Hydro et son appétit à installer de nouveaux barrages.
La révélation danse: Jamais assez
Gros succès du dernier Festival d’Avignon, cette chorégraphie de Fabrice Lambert a été notamment applaudie pour ses puissantes figures de groupe et son caractère explosif. «Danse de feu», ont dit les uns; «poésie futuriste», ont dit les autres. Ce sera assurément une importante découverte pour les spectateurs montréalais.