Peep Show : Monia Chokri dans la spirale
Honorée de suivre les traces de l’incontournable Marie Brassard en reprenant l’un de ses plus marquants solos, la comédienne Monia Chokri tente l’aventure excentrique, sensuelle et spiralée de Peep Show.
À l’étranger, le travail de Marie Brassard est considéré comme emblématique de la scène québécoise dans ce qu’elle a de meilleur, un théâtre de recherche qui utilise la technologie comme un vaste champ de possibles et qui agit sur tous les plans: narrativité puissante, force de l’image, mystère de l’inconscient, frisson du corps. On ne voit pourtant pas assez son travail à Québec, sinon trop brièvement. C’est en partie pour cette raison, mais aussi par désir de transmission et de collaboration avec Monia Chokri, qu’elle a décidé de lui offrir son marquant solo.
Elles ont travaillé ensemble sur le spectacle La fureur de ce que je pense, d’après les textes de Nelly Arcan, et se sont découvert des affinités nombreuses. «J’aime les artistes inclassables, dit Monia Chokri. Et Marie est tout à fait iconoclaste. C’est l’ultime rêve de chaque artiste de développer son propre langage et Marie est de celles qui ont inventé une esthétique incomparable en travaillant le son et le jeu d’une manière spiralée qui ouvre le champ des possibles et multiplie les niveaux de réel. Quand je l’ai vue sur scène la première fois, c’était dans La noirceur en 2003 et j’étais fascinée.»
À la fois ancrée dans la figure du petit chaperon rouge et dans un monde onirique qui fait apparaître plusieurs personnages, Peep Show utilise des technologies d’amplification et de modification de la voix pour faire coexister dans le même corps une multitude d’âmes et évoquer une infinité de récits. «Marie se sert aussi du conte du petit chaperon rouge pour raconter l’histoire de quelqu’un qui désobéit, qui va dans la forêt même si c’est interdit, qui fait ce qu’il ne faut pas faire. C’est un hommage à la liberté, mais aussi à l’excentricité, à la différence, à ce qui sort des normes.»
Or le petit chaperon rouge, souvent analysé comme objet de désir, permet aussi une forme de parcours sensuel. «Ce n’est pas le centre du spectacle, précise Chokri, mais la psychanalyse a effectivement vu dans le petit chaperon rouge une fable d’éveil sexuel et le texte s’y aventure un peu, de façon sensuelle et jamais violente.»
Jouer du Brassard n’est pas une mince tâche. L’œuvre emprunte une pensée en spirale, glisse subrepticement d’un récit à l’autre et d’un personnage à l’autre. «On est complètement happés par ça, dit Chokri. Et c’est le fun de déjouer le spectateur, de l’amener là où il ne nous attend pas. Marie ne prend jamais le spectateur pour un con.» Le spectacle créé à l’Espace GO cet automne est aussi une recréation: chaque concepteur, notamment le musicien Alexander McSween, a retravaillé sa partition et tenté de bousculer ses propres perspectives. «Avec Marie, c’est toujours vraiment un travail de recherche.»
Les 1er et 2 juin au Grand Théâtre
Dans le cadre du Carrefour international de théâtre de Québec