Montréal Complètement Cirque : Bromance en deux temps
Scène

Montréal Complètement Cirque : Bromance en deux temps

L’amitié masculine, en 2016, se vit pleinement et tendrement, loin de la retenue virile d’antan. Deux spectacles de cirque racontent la bromance d’aujourd’hui au festival Montréal Complètement Cirque. Discussion entre mâles qui aiment leurs amitiés fortes et fusionnelles.

Bromance. C’est le titre sans équivoque du spectacle de la Barely Methodical Troupe, composée de trois garçons britanniques qui s’aiment fort et explorent sur scène les aléas de leur amitié inébranlable, tout en s’amusant à tordre et à déjouer les stéréotypes masculins. À Montréal Complètement Cirque, ils seront applaudis quelques jours après les Québécois de Flip Fabrique, qui racontent dans leur nouveau spectacle Transit une amitié vieille de 10 ans et même pas ébranlée par l’écrasante proximité de la vie de tournée!

Le concept n’est pas neuf, mais les artistes en font de plus en plus leur territoire d’exploration. Au cinéma, la bromance assumée de James Franco et Seth Rogen, gentiment tournée en dérision et répétée de film en film, est devenue emblématique du genre. Mais on la voit aussi en littérature depuis des lustres, et on pourrait remonter jusqu’à l’amitié loyale d’Hamlet et Horatio pour en trouver des traces au théâtre.Tout en se plaisant à déconstruire les codes de l’hétéronormativité, par l’entremise de personnages d’hétéros décomplexés qui n’hésitent pas à multiplier les marques d’affection à leurs amis, les personnages engagés dans la bromance font de l’amitié masculine contemporaine quelque chose de bien plus émotif et bien moins carré que ce qu’elle fut chez les générations précédentes. Et c’est tant mieux.

«L’amitié est devenue une chose plus sensible qu’auparavant chez l’homme», pense l’acrobate et b-boy Charlie Wheeller, qui a créé Bromance avec ses complices Beren D’Amico et Louis Gift. «Je me réjouis d’appartenir à une génération d’hommes capables de s’ouvrir et d’exprimer de l’émotion et de l’affection. Notre spectacle raconte une amitié solide, née à l’École de cirque et qui ne s’est jamais affaissée depuis. Nous sommes trois gars bien différents, qui ont chacun un parcours singulier, mais l’amitié est plus forte que toutes ces différences. On explore cette affection mutuelle, mais aussi la question de la masculinité, en racontant différentes sensibilités masculines, différentes manières d’être homme.»

Transit, Photo: Norbi Whitney
Transit, Photo: Norbi Whitney

Chez les gars de Flip Fabrique, même si l’identité mâle n’est pas au cœur du propos du spectacle Transit, on entend le même discours. Leur pièce imagine un dernier tour de piste, s’ancrant dans l’idée que ce moment passé sur scène est le tout dernier moment entre amis après 10 ans de bourlingage tissé serré. «On ne fait pas référence au concept de bromance, dit l’acrobate Bruno Gagnon, mais indéniablement nous vivons notre amitié dans cette proximité. On a fait beaucoup de tournée récemment et le voyage, mais aussi les chambres d’hôtel partagées partout dans le monde ont contribué à forger une amitié solide et puissante. On se dit les vraies choses, il n’y a pas de faux-semblants, et il y a effectivement quelque chose de démonstratif dans notre manière de montrer à l’autre qu’on tient à lui, qu’on le soutient, qu’on sera toujours là.» La fameuse solidarité masculine.

Mais la vie de tournée n’est-elle pas également un peu dure sur l’amitié?, ose-t-on demander à Bruno. «Oui, répond-il sans hésiter. Mais ce qui ne nous tue pas nous rend plus solides. Les périodes de conflit rendent nos moments d’amitié et de synergie encore plus puissants, plus forts; on en ressort davantage orientés vers la même direction, vers les mêmes buts.» Réponse similaire du côté de Charlie Wheeller, qui a aussi beaucoup avalé les kilomètres avec ses deux bros. «De nos meilleurs amis, on doit accepter le meilleur comme le pire. En tournée, dans le quotidien partagé, on n’est pas toujours à notre meilleur et les autres non plus, mais l’important est de savoir passer rapidement par-dessus les anicroches. Quand les fondations de l’amitié sont solides, tout cela se fait assez naturellement.»

Bromance, Photo: Chris Nash
Bromance, Photo: Chris Nash

Dans Bromance, Wheeller et sa bande racontent leur amitié en toute sincérité mais en font aussi un objet de dérision, dans un spectacle qui s’est construit dans un ton plus comique qu’ils ne l’avaient anticipé. «Notre metteur en scène, dit-il, essaie constamment de diminuer le comique, mais c’est plus fort que nous, on revient toujours à un cirque un peu cabotin, qui s’appuie sur une forte autodérision et sur une grande complicité avec les spectateurs. L’amitié, que voulez-vous, c’est généralement joyeux et drôle, puis c’est aussi plutôt communicatif!»

D’un naturel plutôt grégaire et enjoué, Bruno Gagnon insiste aussi pour dire que Transit est «un spectacle acrobatique exécuté dans un haut niveau de joie». «C’est une célébration de l’amitié, un party qui lève fort. On a réuni dans ce spectacle toutes les choses qu’on a toujours voulu faire ensemble sur scène, tous nos fantasmes de cirque.» Et ça va, promet-il, du hula hoop jusqu’aux sangles aériennes, en passant par la jonglerie, les acrobaties variées, la banquine et la barre russe.

Les gars de Bromance, eux, sont des acrobates multidisciplinaires notamment doués dans le main à main et la roue Cyr. Ils sont musclés et n’hésiteront pas à exhiber le tout, mais derrière ces apparats virils se cachent évidemment tendresse et fragilité.

Transit
du 7 au 16 juillet à la Tohu

Bromance
du 9 au 14 juillet au Centaur

Dans le cadre de Montréal Complètement Cirque