«Roméo et Juliette», un peu convenu mais toujours efficace
Peut-on rejouer des classiques indéfiniment? La première médiatique de la pièce de Shakespeare mise en scène par Serge Denoncourt a eu lieu ce lundi au théâtre du Nouveau Monde. Notre critique.
Les classiques… Shakespeare ou Molière ont-ils encore leur place sur les planches? C’est la question que se posent beaucoup de metteurs en scène – et de spectateurs. Serge Denoncourt, quant à lui, voulait monter Roméo et Juliette depuis des années… Et cet été, dans le cadre du festival Juste pour rire, il a pu enfin présenter sa pièce. Le défi quand on reprend un tel texte – qui reste, plus de 400 ans après sa création, la pièce la plus jouée au monde -, est de lui apporter un nouvel éclairage, de réussir à lui donner un nouveau souffle et des références modernes.
Denoncourt, grand admirateur de Visconti, place sa Vérone shakespearienne dans l’Italie des années 30, en pleine montée du fascisme. Un contexte encore jamais utilisé pour cette pièce, indique le metteur en scène. L’idée, sans être révolutionnaire, est originale – d’autant plus que cette société qui penche vers l’extrême-droite est plutôt d’actualité en ce moment. On est placé dans le contexte dès le début du spectacle avec une vidéo en noir et blanc faisant défiler des images de l’époque fasciste.
Malheureusement, le rapprochement s’arrête là. Il y a bien les costumes, les longs pardessus et chapeaux de mafioso des hommes, les chemises noires des Capulet… On retrouve en effet l’atmosphère de la dolce vita italienne de l’époque, avec les bicyclettes droites, les tenues et les cafés, mais c’est tout. Dommage, car il y avait matière à aller beaucoup plus loin, à exploiter ce choix de contexte – quitte à jouer un peu avec le texte. Finalement, les amoureux de Shakespeare auraient très bien pu rester dans leur siècle sans que la pièce ne perde de sa force.
Distribution jeune mais solide
Car, ce regret mis à part, le Roméo et Juliette de Denoncourt est très solide. La mise en scène sobre s’appuie sur de jolis jeux de lumières, mettant plutôt l’accent sur les somptueux costumes – notamment ceux de la scène du bal, qui mélange des tenues de différentes époques provenant des pièces sur lesquelles a travaillé le costumier François Barbeau. Une table ou un lit occupent seuls l’espace pour figurer la chambre, le café, le tombeau; ce qui prend toute la place, c’est la poésie de Shakespeare.
Les scènes sont parfois soutenues d’une bande sonore qui ajoute un effet cinématographique. Si cela habille joliment les scènes muettes, la musique appuie parfois un peu trop le côté émotionnel déjà bien présent dans certaines répliques. La distribution? Jeune mais solide, et les acteurs comblent leur petite expérience par un apparent travail de diction et de jeu physique. Roméo est un amoureux passionné au physique de Ken, Juliette une poupée de porcelaine éperdue et fragile… On remarque notamment la très drôle Debbie Lynch-White, qui campe une nourrice colorée.
Bref, si cette pièce est classique et sans surprise, elle est bien construite et plutôt efficace. À la fois comédie et tragédie, elle nous fait autant rire et pleurer. Car oui, on a beau connaître l’histoire des amants de Vérone par cœur, de même que certaines répliques, la magie shakespearienne est toujours là. Bien porté par ses comédiens, avec ou sans idée révolutionnaire dans la mise en scène, ce texte nous parle et nous touche toujours par-delà ses quatre siècles. Alors oui, les pièces classiques ont encore toute leur place dans nos théâtres. Et pour encore longtemps!
«Roméo et Juliette»
de Shakespeare, texte français de Normand Chaurette, mis en scène de Serge Denoncourt
Jusqu’au 18 août au Théâtre du Nouveau Monde