Compagnie Bilbobasso : Dompteurs de flammes
Scène

Compagnie Bilbobasso : Dompteurs de flammes

Mise sur pied en 2006, la compagnie Bilbobasso s’amuse à créer avec la musique, le tango argentin et la manipulation du feu un heureux et spectaculaire mélange qu’elle présente dans les rues d’ici et d’ailleurs. Le Festival de théâtre de rue de Lachine l’a invitée à nouveau à y présenter deux de ses spectacles. Entretien avec Delphine Dartus, artiste autodidacte et codirectrice de la compagnie.

15C’est la découverte du tango argentin qui a donné un nouvel élan créatif inattendu à Hervé Perrin et Delphine Dartus, deux anciens membres de la Compagnie la Salamandre, collectif artistique qui réunit feu et arts de la rue. «Dans cette compagnie-là, on utilisait beaucoup le feu, et le tango argentin s’est vite imposé à nous. Dès lors, ça a été comme un choc, une révélation: on a eu tout de suite envie de créer une forme qui alliait le tango argentin et le feu. On a tous été surpris d’où ça nous a menés sur le plan des émotions, des formes, de l’esthétique et de l’ambiance. Donc est née cette forme courte qui a jeté les bases de notre recherche. On avait vraiment l’impression de mettre le doigt sur quelque chose d’immense et d’en aborder qu’une minuscule partie, bien humblement.»

Bilbobasso revient en force à Montréal avec A Fuego Lento et Polar, créations ayant déjà voyagé en Europe et nous honorant de leur visite en terre québécoise. Tandis qu’A Fuego Lento raconte l’histoire intime, sensuelle et enflammée d’une rencontre amoureuse entre deux êtres, Polar s’en éloigne du côté narratif comme celui de la forme. Une alliance entre le roman noir, le cinéma muet et le cabaret caractérise cette création excentrique. «On est partis d’un concept un peu plus narratif pour raconter une histoire assez noire, mais aussi plutôt légère, très tape-à-l’œil, flamboyante, en recherchant de nouvelles associations artistiques. Les musiciens sont danseurs, les danseurs sont musiciens, tout le monde est au milieu du feu à le braver et à braver les différentes disciplines, et je crois que c’est ce qui fait en sorte que cette forme artistique que nous avons créée est originale et en quelque sorte assez surprenante.»

Polar, photo : Savannah Hoskins
Polar, photo : Savannah Hoskins

Alors que le feu pourrait être vu comme une contrainte et un obstacle aux représentations en salle, il est loin d’être ainsi perçu par le duo d’artistes, qui le voit plutôt comme un ensemble cohérent et harmonieux, lorsque mêlé au tango et à la musique. La rue devient un terrain de jeu pour explorer la forme particulière de leurs spectacles, un endroit où tout, ou presque, devient possible. «Ce qui nous plaît et nous attire avant tout, c’est que c’est une façon particulière d’être en communion avec cet élément, mais aussi, avec l’aide de la danse, ça devient une façon de bouger, d’être ensemble, qui provoque aussi une attention et un regard très spéciaux de la part du spectateur. Le tango argentin, on peut croire que c’est une danse très extérieure, mais en fait, ce n’est pas ça du tout! Nous croyons dans la compagnie que c’est une danse qui se joue dans la communication entre deux personnes, par le corps comme dans le mouvement. Les deux personnes sont concentrées l’une sur l’autre et il y a quelque chose de très fort qui s’en dégage. Et nous, de la même façon, c’est ce qui se produit avec le feu. J’ai un peu l’impression que dans cette relation-là, il y a comme une grande force qui s’en dégage et qui nous permet de pointer des choses, de raconter, d’exprimer ce qu’on aime beaucoup: une proximité avec ce feu.»

Delphine Dartus remarque que la forme artistique utilisée par Bilbobasso attise des réactions fort différentes du public, touché par la fragilité et la sensibilité de A Fuego Lento et la férocité de Polar. «Règle générale, les spectateurs sont fascinés par le feu. C’est un élément qu’ils connaissent comme un danger, un truc qu’ils aiment bien approcher pour se réchauffer, mais pas trop, car sinon il devient nuisible. Nous, on fait fi de toutes ces recommandations et on parle au public à travers le feu. Ce qu’on fait se rapproche de l’illusion et ça relève pratiquement de la magie. On fait tout d’instinct, de la manière qui nous semble la plus honnête et, surtout, par là d’où on est arrivés, c’est-à-dire par notre cœur.»

Polar sera présenté au parc Saint-Louis les 26 et 27 août à 21h.

A Fuego Lento sera présenté sur la rue Notre-Dame, au centre-ville de Lachine, le 25 août à 21h.