Doggy dans Gravel : Sour Puss et moustache molle
Scène

Doggy dans Gravel : Sour Puss et moustache molle

Olivier Arteau ouvre la saison de Premier Acte avec une satire sur l’adolescence et ses décadences, une pièce qui grafigne jusqu’au sang, un texte à prendre au deuxième niveau.

Retour en 2009. Lady Gaga jouait au poker avec ses danois sur le bord d’une piscine creusée, The Pussycats Dolls étaient au bord du précipice, Fergie et ses boys tournaient en forte rotation à la radio avec une série d’onomatopées et La Roux nous faisait danser avec Bulletproof. À peine sorti du Conservatoire d’art dramatique de Québec, l’écrivain et comédien Olivier Arteau se sert de son après-bal, celui du secondaire, comme de toile de fond pour son premier spectacle. « J’ai encore des souvenirs limpides […], un fond de rang, des souliers de skate délavés et une coulisse de Sour Puss sur ma moustache molle. Tout ça sur les rythmes endiablés de Akon, Smack That surtout. »

Les clins d’œil à la pop culture sont omniprésents dans l’œuvre d’Olivier Arteau, artiste montant et d’abord remarqué à Montréal il y a deux ans. C’est lui qui a, par ailleurs, remporté le Prix du CEAD pour l’auteur le prometteur au Festival Fringe en 2014 pour sa création intitulée Le monstre. Un tour de force pour ce type qui était encore sur les bancs d’école à ce moment-là. Non, Olivier n’en est pas à son premier tour de manège.

Olivier Arteau (Crédit: Nathalie Séguin)
Olivier Arteau (Crédit: Nathalie Séguin)

« J’ai voulu créer un texte avec des relents de slam, de poésie, et de paroles quotidiennes qui se déploient de manière fulgurante afin d’étancher notre soif intarissable de sensations. T’en veux, t’en auras. »

L’exercice de style est total pour Doggy dans Gravel, ses personnages (impitoyables!) atteignent le zénith du grivois dans certains passages et s’adonnent à une joute verbale blessante et continue. Les dialogues sont raides, cyniques, sans compromis. « La génération Y et la plus jeune empruntent constamment des références à travers les médias qu’elle consomme. Ayant libre accès à tout ce qu’on souhaite, nous devenons rapidement influencés par ce qu’il y a de plus percutant et on le transpose dans notre quotidien. » Leurs échanges c’est, dans d’autres mots, une version légèrement exagérée, mais pas caricaturale de la parlure des millennials. « Le bouffon est la forme théâtrale qui m’intéresse le plus. Pour moi, au théâtre, il faut savoir capter la réalité tout en s’éloignant du réalisme. Il faut toucher le grandiose, ce qui nous dépasse. Trouver une expressivité singulière qui permettra au spectateur de saisir son environnement à travers un autre regard que ce qu’il consomme à la télé ou avec le 7e art. Le théâtre, malgré les moyens, doit s’en permettre plus! »

« Les filles ça chie jamais »

Croyances franchement épaisses et préjugés débiles se fraient un chemin dans les répliques déjà acides de Doggy dans Gravel, des déclarations terribles à accueillir comme un monologue de Fabien Cloutier – une inspiration pour Olivier Arteau. Avec ces finissants, l’auteur déboulonne moult tabous, condamne les travers humains et l’intimidation basée sur l’apparence ou les divergences d’opinions. Une féministe, par exemple, c’est forcément « une lesbienne bourgeoise ».

Il y a aussi le personnage de Maverick, détestable bro, qui fait carrément l’éloge de la culture du viol dans un monologue difficile à écouter. Cette pièce, en fait, c’est aussi une occasion de dénoncer des choses vraiment graves. « Le conformisme, d’autant plus à l’adolescence, [est l’un des thèmes de la pièce]. On ressent la pression sociale de devenir un stéréotype ambulant parce que ça fait trop peur de se maintenir debout face aux préjugés virulents qui peuvent nous percuter lorsque nous voulons assumer une différence ou un désir de changement. Si on ne se dresse pas devant certaines idéologies conservatrices, le mutisme et ses dérivés s’en suivront. »

L’amour et la violence, pour paraphraser Tellier, sont au cœur même de ce récit initiatique, cette fête survoltée réunissant un groupe (onze interprètes au total) de protagonistes avec les hormones dans le tapis. Parce que derrière le bitchage se cache, parfois, un peu de tendresse.

Du 13 septembre au 1er octobre
Premier Acte