Frédéric Dubois : Retour sur les bancs d'école
Scène

Frédéric Dubois : Retour sur les bancs d’école

Frédéric Dubois est une figure marquante du théâtre à Québec. Depuis près de vingt ans, sa polyvalence et son audace ont rythmé la scène théâtrale de la Vieille Capitale. 

Après avoir été coordinateur artistique du Périscope pendant cinq ans, il quitte l’avenue Salaberry pour se diriger à l’École nationale de théâtre du Canada, où il a été nommé directeur artistique de la section française un peu plus tôt cette année. Retour sur un parcours épatant avec le principal intéressé.

Lorsque qu’on jette un coup d’œil à la feuille de route de Frédéric Dubois, on a peine à croire qu’il est seulement au seuil de la quarantaine, tant ses projets sont multiples et diversifiés. Alors tout juste au début de son parcours au Conservatoire d’art dramatique de Québec, il a fondé en 1997 la compagnie du Théâtre des Fonds de Tiroirs. Il n’a jamais hésité à se frotter à de grands textes; on pense rapidement à son Zazie dans le métro de Raymond Queneau ou encore à son Vie et mort du roi boiteux de Jean-Pierre Ronfard, spectacle-fleuve de 8h dans les rues de Limoilou. Il fut l’un des plus jeunes metteurs en scène à occuper les planches d’un théâtre institutionnel, le Trident, quand il a monté HA ha! de Réjean Ducharme, alors qu’il était âgé 25 ans.

Il sait à quel point Québec lui a fourni une liberté et un espace de création fertile pendant toutes ces années. «Quand j’étais à l’école, j’étais le seul à être resté à Québec. À mon époque, le monde qui partait travailler à Montréal ne revenait pas. Alors que moi, si je n’avais pas travaillé dans le terreau que m’offrait Québec, jamais je n’aurais pu travailler si rapidement.» Quand Marie-Thérèse Fortin lui ouvre les portes du Trident, il va y chercher une expérience de travail unique. «Quand t’as 25 ans et que tu  travailles avec Lorraine Côté pour monter un Ducharme au Trident et qu’à la suite d’une proposition elle te dit: “Non, je ne fais pas ça“, le moins qu’on puisse dire, c’est que tu apprends ton métier!»

Bien que celui qui a remporté le prix John-Hirsh en 2008, remis par le Conseil des arts du Canada pour un début de carrière prometteur, n’a jamais été à court de projets, il croit bon de souligner qu’il faut toujours demeurer ouvert. «J’ai eu une formation classique, mais il a fallu que je touche à pas mal d’affaires. Les gens me trouvent chanceux parce que je travaille du métier, que je fais du théâtre et que je ne fais que ça. Oui, mais j’ai fait de la grosse compagnie, de la petite compagnie, de la mini production, de l’enfant, du TNM, du Music-Hall, de l’enseignement, du fond de ruelles, etc. Il a fallu que je m’investisse, que je sois près à tout, à toutes les aventures, je ne me suis pas niché. Moi, très vite j’ai compris qui si je ne m’y mettais pas, personne n’allait venir me chercher. Et ça, je pense que j’ai ça en moi.»

Olivier Kemeid, photo : David Ospina
Olivier Kemeid, photo : David Ospina

Lorsqu’on questionne son ami Olivier Kemeid, le dramaturge derrière leur immense projet Five Kings, les mots viennent aisément pour souligner le travail et l’importance de Dubois à Québec. «Frédéric est l’un des premiers de sa génération à avoir développé le métier de metteur en scène de façon à la fois ambitieuse et précise. Il est de ceux qui ont décidé de se consacrer à la mise en scène et de se frotter à de grands textes du répertoire. Il s’est fait les dents sur du Ionesco, du Ducharme, du Queneau et compagnie.»

Celui qui fut l’un des plus jeunes dirigeants de théâtre de Québec alors qu’il fut nommé au Périscope en 2011 souligne l’importance de cette expérience pour la suite des choses à l’École nationale de théâtre. «Je pense que je vais être un meilleur directeur à l’école parce que j’ai passé par le Périscope. Parce que j’ai passé par un chemin où j’ai dû constamment me rappeler que je ne peux pas être le centre, que je ne suis pas le centre, que les choses ne m’appartiennent pas, mais que ça n’enlève pas les possibilités de travailler, les possibilités d’insuffler une personnalité. J’ai la preuve par mille que c’est possible de faire ça et de transmettre ça.»

Lorsqu’on lui demande si ses années à Québec laisseront une trace, bien qu’il continuera de faire de la mise en scène, il prend le temps d’y réfléchir. «Pour répondre bien honnêtement à la question, je crois que mon legs est un legs d’ouverture. Je pense que l’avenir du théâtre au Québec repose là-dessus en ce moment. Il faut qu’on occupe le territoire, et pas simplement à Québec et à Montréal. C’est plus facile d’aller faire la première résidence de Five Kings à la Chartreuse d’Avignon qu’à Baie-Comeau.» Occuper le territoire, théâtralement parlant, comme la seule vraie façon de créer le dialogue, de bâtir des ponts, d’aller à l’autre, comme Dubois l’a toujours fait et le fera toujours. Loin d’une finalité, sa nomination à l’École nationale de théâtre s’inscrit dans la continuité pour Frédéric Dubois, cette flamme incandescente du milieu théâtral québécois.