Le brasier : Écran de fumée
Scène

Le brasier : Écran de fumée

Lors de la huitième édition du Jamais Lu, David Paquet présentait une mise en lecture d’une pièce s’intitulant à l’époque Le pommier. Sept ans plus tard, il nous livre l’évolution de cette pièce – désormais intitulée Le brasier –, mise en scène par Philippe Cyr avec Paul Ahmarani, Kathleen Fortin et Dominique Quesnel.

Dans l’intimité de la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, Paquet nous entraîne dans une spirale de fatalité, où son humour caustique emballe le drame. Avec pour seul décor un rideau doré et rétro ainsi qu’un palier surélevé entouré de plantes, Le brasier se déplie en trois temps. D’abord l’histoire de trois sœurs, des triplettes, vivant dans le même triplex. L’une est tellement seule qu’elle s’invente un faux mari lors de ses entretiens avec son psychologue, question de vivre par procuration une vie qu’elle ne pourra jamais même effleurer. L’autre s’est enfermée depuis plusieurs mois, on ne la voit plus, n’ayant pour seule présence que son ton grincheux au téléphone lorsqu’on daigne l’appeler. Et finalement, la dernière est mère, élevant son enfant seule, le père s’étant suicidé.

Dès l’ouverture de la pièce, le jeune Gabriel prononce ses premiers mots, promettant du même coup de tout faire flamber, sa mère incluse. Ce sont les balbutiements d’un couple qu’on suit dans la deuxième partie, alors que Paul Amharani et Dominique Quesnel interprètent deux mésadaptés sociaux qui parviendront à meubler tour à tour la solitude de l’autre. Le spectacle se termine sur un monologue d’une femme seule, interprétée par Kathleen Fortin, éprise par ses pulsions et ses fantasmes qui l’emmèneront autant dans le vice que dans l’enfantement.

Crédit photo : Julie Artacho
Crédit photo : Julie Artacho

Au détour de ces trois histoires qui s’entrecoupent tant dans les thèmes que dans les liens filiaux entre les personnages, on reconnaît l’écriture de David Paquet. Ici, les biscuits maison goûtent la «marde» et la mère ayant enfanté des triplets se plaît à crier: «J’aurais dû mettre un stérilet, tabarnak!» Une langue qui vient épouser la détresse psychologique des personnages, tout comme leur situation sociale. Elle est tantôt caustique, tantôt poétique, tantôt cruelle, tantôt humoristique; on en vient parfois à se demander si elle sert les personnages ou si on n’est pas simplement encore en recherche du ton juste.

Celui qui avait fait une entrée éclatante avec Porc-épic en 2010 se payait le luxe d’une distribution assez solide avec ce trio d’acteurs. Par contre, on se demande durant la pièce si c’est le texte ou la mise en scène qui commandait un jeu si gras, à la limite de la caricature. Le tout crée une sorte d’écran entre la réelle détresse des personnages et la façon qu’ils ont de nous le communiquer, comme si on avait eu certaines difficultés à balancer cette tragi-comédie. À contre-courant de cela, le monologue final de Kathleen Fortin est joué avec une finesse déconcertante, mais semble arriver trop tard dans la pièce pour créer un réel renversement de posture avec le public.

Sondant la fatalité comme une condition héréditaire, comme quelque chose d’inné auquel on ne peut changer quoi que ce soit, Paquet s’intéresse aux plus socialement et psychologiquement démunis. Il semble par contre manquer d’empathie ou, du moins, il ne parvient pas à le transposer au spectateur, tellement les changements de ton et les gros traits du jeu éclipsent une poignante détresse. On a l’impression de comprendre exactement où la pièce veut nous amener, sans toutefois nous y rendre; on nous montre que les flammes sans rien connaître ni savoir des bûches qui brûlent.

Le brasier, Centre du Théâtre d’Aujourd’hui
Une création de l’Homme allumette
Texte: David Paquet
Mise en scène: Philippe Cyr
Avec: Paul Amharani, Kathleen Fortin et Dominique Quesnel
Salle Jean-Claude-Germain, jusqu’au 26 octobre