Jean-Philippe Lehoux : Exils volontaires
Scène

Jean-Philippe Lehoux : Exils volontaires

Sa pièce L’écolière de Tokyo a occupé les planches du Théâtre Denise-Pelletier au mois de septembre, et son Irène sur Mars sera à l’affiche du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui en mars prochain. Une grande année pour l’auteur à la prose voyageuse…

C’est un nom qui revient pas mal dans différents théâtres et festivals du Québec en ce moment. Jean-Philippe Lehoux, directeur artistique du Théâtre Hors Taxes depuis deux ans, est actuellement en résidence au Théâtre La Licorne, en plus d’enseigner à l’École nationale de théâtre et de travailler à côté sur un nouveau spectacle. «En ce moment, c’est un équilibre entre des pièces que j’ai écrites et qui roulent toutes seules et des pièces dans lesquelles je joue», indique Jean-Philippe Lehoux, ravi.

Sa pièce du moment, L’écolière de Tokyo, a été un succès. Elle est venue nous surprendre dans la programmation théâtrale de la rentrée; près de cinq ans après que l’auteur a amorcé sa rédaction, c’est la première fois qu’elle est mise en scène. En 2013, Lehoux avait reçu le Prix Gratien-Gélinas de la Fondation du CEAD pour son texte, qui avait été présenté lors d’une lecture publique, dans le cadre de Dramaturgies en Dialogue. «Depuis, le texte traînait dans mes tiroirs, raconte l’auteur. Puis Charles Dauphinais m’a approché pour me proposer de travailler dessus. Il me connaît bien et connaît bien mon univers, alors j’ai dit oui.»

Et quelques années après, le regard est un peu différent: «Aujourd’hui je vois les défauts de l’écriture. Je respecte tout à fait ce que j’ai produit, mais je vois certaines lacunes. Je suis malgré tout très satisfait du travail de l’équipe! Ils ont respecté l’équilibre de la pièce… Les acteurs sont formidables et le décor est surprenant, très construit – ce qui est d’ailleurs une des marques de commerce de Loïc (Lacroix Hoy, le scénographe).»

L'Écolière à Tokyo, photo : Laurence Dauphinais
L’Écolière à Tokyo, photo : Laurence Dauphinais

«J’aime l’insolite du voyage»

L’écolière de Tokyo est un huis clos situé à l’autre bout de la planète. Construite au rythme de leçons de japonais, la pièce confronte Sam, un jeune Québécois consumériste en voyage financé par ses parents, à un de ces concitoyens sexagénaires qui ne trouve plus sa place dans la société occidentale. La conversation avance entre choc des cultures et choc des visions de la vie. «C’est la rencontre humaine qui est centrale dans cette pièce, mais le choix du Japon n’est pas anodin», assure Lehoux. L’auteur y est allé en 2008, et y a constaté un vrai choc entre tradition et modernité.

Le voyage, c’est son truc, à Jean-Philippe Lehoux, de la Syrie à l’Amérique centrale – au moment où on se parle, il revient d’ailleurs tout juste d’un séjour à vélo au Kirghizistan. «J’aime l’insolite du voyage, l’observation que cela permet. Mon regard s’affûte à l’étranger. Le voyage, c’est un sujet dont on ne parle pas si souvent; j’ai créé ma signature à partir de ça.» On pense notamment à sa pièce Comment je suis devenue touriste, produite en août 2012, ou Napoléon voyage, la même année. Et les baroudeurs de L’écolière de Tokyo, c’est un peu de lui-même. «Je me retrouve dans les deux personnages principaux, dans l’activité incessante du jeune et dans la fragilité du vieux, reconnaît Lehoux. Mais je ne suis pas un très bon voyageur… Je suis stressé, souvent gêné.»

Dans Irène sur Mars, qui se jouera au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui en mars prochain, on suit Irène – librement inspirée de la mère de l’auteur –, une femme vieillissante qui décide de s’inscrire dans un programme pour quitter la Terre et coloniser la planète Mars… et qui est sélectionnée. Ce personnage d’Irène et celui du vieux dans L’écolière de Tokyo peuvent se ressembler par leur désir d’exil très fort. «Ce sont des gens qui recherchent leur place. L’idée des personnes âgées et la façon dont on les traite aujourd’hui m’intéressent beaucoup, confie Lehoux. Moi-même, je ne suis pas toujours le fil, et j’ai peur d’être dépassé dans 20 ans…»

Le voyage, l’exil, l’âge, autant de thèmes chers à l’auteur et que l’on retrouve en filigrane dans ses différentes pièces. Mais s’il y a en effet des similitudes, elles ne sont pas volontaires, indique Jean-Philippe Lehoux. «Je reviens souvent à certaines choses. Mais j’ai aussi envie d’explorer d’autres thèmes par la suite…»

Irène sur Mars
Du 28 février au 18 mars
au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui