Olivier Bertrand / La Chapelle : À la poursuite de l’éclectisme
La 25e année d’existence du théâtre La Chapelle fut marquée par un changement de garde, alors que Jack Udashkin prenait sa retraite et laissait comme héritage une scène effervescente, émergente et multidisciplinaire.
C’est en juin de cette même année qu’Olivier Bertrand fut nommé à la tête de l’institution. Après une année de transition, il nous livre sa première programmation cet automne. En provenance de France où il a fait ses marques, ce natif de Grenoble prend les quartiers d’un théâtre qui a toutes les allures d’un terrain de jeu.
Pour celui qui a travaillé à la Scène nationale de Dieppe, ainsi qu’au Théâtre de la Bastille et au Théâtre de la Cité internationale à Paris jusqu’à tout récemment, c’était une grande décision que d’investir la scène montréalaise de cette façon. Reste qu’il fut séduit par ce que cette salle avait à offrir. «Autant j’étais prêt à quitter Paris, autant je ne m’attendais pas à atterrir ici. Mais j’ai senti un désir dès le départ parce qu’il s’agit d’un format de théâtre qui me plaît beaucoup, c’est le genre de salle dans laquelle j’aime œuvrer. C’est un format qui permet beaucoup sur l’expérimentation, sur un travail dans le rapport avec les artistes et le public.»
Qui dit changement de direction ne dit pas nécessairement grands chamboulements, du moins pas pour Bertrand. «C’est une mission qui m’est donné de suivre, et ce que j’ai fait avant même d’être ici ça été d’être en contact avec ceux qui travaillent depuis un certain temps avec La Chapelle. C’est un changement de direction. Donc, oui, il y aura du changement, mais pour moi il y a une continuité aussi à respecter, une histoire qui se crée à travers différents artistes qui ont investi ce lieu et qui continueront de l’investir.» On peut voir cette vision se déplier à même les spectacles de cette année avec des artistes tels le chorégraphe Daniel Léveillé ou le metteur en scène Marc Beaupré qui ne fouleront pas ces planches pour la première fois.
Avec 18 spectacles programmés, La Chapelle présente encore une fois cette année l’une des saisons les plus éclatées à Montréal, tant sur le fond que sur la forme. S’agissant d’une programmation qui s’inscrit dans la continuité, est-ce qu’Olivier Bertrand désire poursuivre dans cette abondance de propositions? «Comme tout endroit de théâtre et de programmation, on se pose des questions d’équilibre. Il n’est pas question de faire des quotas sur chaque chose, mais il est important d’être proche des artistes et d’écouter les projets. De persister dans la programmation multidisciplinaire qui fait la couleur de La Chapelle, mais peut-être de réduire la nombre de différents spectacles programmés pour accompagner encore mieux les artistes dans la durée.»
S’il y a bien un endroit où le directeur artistique désire mettre sa marque, c’est peut-être dans une présence musicale plus grande. «Je me permettrais peut-être d’insister sur la musique, ça m’importe de la remettre au cœur de cette scène.» Pour celui qui était responsable de la programmation de la musique au Théâtre de la Cité internationale, tant l’intimité que l’acoustique de cette scène semblent être idéales pour créer des rencontres à échelle humaine.
Depuis son installation à Montréal, il prend le pouls de la vie théâtrale de la cité, saisissant l’écosystème dans lequel La Chapelle s’inscrit. Désirant ouvrir le dialogue entre les différentes salles, il essaie toujours de trouver une façon où tous pourront travailler ensemble sur les aspects communicationnels et artistiques. Il se rend compte que la force du théâtre qu’il dirige est l’affranchissement des genres. «Je suis à l’aise particulièrement dans cette circulation de genres. À la limite, ce qui m’intéresse presque c’est d’arriver à ne plus nommer ce qu’est la proposition. Aujourd’hui, les productions sont au carrefour de tant de choses, j’aime quand il devient futile de les étiqueter danse, musique ou théâtre. J’aime cette circulation sans étiquette.»
Si l’évidence est que la nécessité de ce théâtre est dans son offre alternative et éclectique, il n’en demeure pas moins que son mandat s’amorce avec un plan bien précis. En 2020, on célébrera les 30 ans de La Chapelle et pour les quatre prochaines années on doit réfléchir au renouvellement de l’offre et peut-être à un nouveau lieu. Le directeur artistique se plaît lorsqu’il voit l’horizon de possibilités qui s’ouvre dans son aventure montréalaise. À voir ses projets, on peut croire sans trop de difficulté qu’il s’amusera à épouser la mission de La Chapelle, soit celle de surprendre.