Les marches du pouvoir: Icare cherche son parachute
À l’instar de ce que chante Patrice Michaud, David Bellamy (joué par Charles-Étienne Beaulne) tente d’amortir sa chute brutale mais inévitable. Une descente aux enfers sur fond de politique américaine.
C’est un thriller psychologique prenant, une pièce synchronisée avec la tenue des déjà très théâtrales présidentielles Américaines. Ce n’est, pour ainsi dire, pas un hasard si Les marches du pouvoir de Beau Willimon (House of Cards) tient le haut de l’affiche à La Bordée en novembre 2016. Tout a été calculé, c’était une décision stratégique.
Présentée pour la première fois en 2005 dans le cadre du FutureFest en Ohio, puis sur Broadway trois ans plus tard, l’œuvre a ensuite été adaptée et romancée pour être portée au grand écran par George Clooney. Un film de 2011 qui mettait en vedette le réalisateur et un certain Ryan Gosling – qui campait d’autre part le même personnage que Charles-Étienne Beaulne ce mois-ci. Un gars doté d’une intelligence sociale hors du commun, un type ambitieux « qui sait aller chercher le meilleur de chaque personne », un genre d’attaché de presse, un spin doctor et un rôle que le comédien de Québec accueille comme un cadeau. « C’est vraiment trippant pour un acteur, ce genre de théâtre là. Il s’en fait peu à Québec… […] Il y a comme une rage, quelque chose qui bouille et qu’on n’a pas ailleurs [que dans la dramaturgie américaine]. Maintenant, et même si je ne veux absolument pas me comparer à lui, je comprends pourquoi les acteurs comme Leonardo DiCaprio commencent au théâtre, pourquoi ils sont si bons au cinéma après. Ils ont cette espèce de rage-là dans le calme, c’est vraiment spécial. Ç’a l’air facile, mais ça demande tellement d’énergie. »
L’histoire de Farragut North (titre original) se déroule dans le camp démocrate pendant la course à l’investiture, les primaires. Un monde fermé que Willimon a lui-même étudié de l’intérieur en travaillant pour Hillary Clinton en 2000, alors qu’elle briguait le Sénat, puis pour Bill Bradley et Howard Dean qui ont respectivement convoité le Bureau ovale en 2000 et 2004.
Le huis clos de la pièce, celui avec l’équipe du gouverneur Morris, permet donc de tracer certains parallèles avec de vrais politiciens. « Je pourrais dire que Morris ressemble beaucoup à [Bernie] Sanders, en fait. Hillary pourrait facilement être Pullman, [son adversaire]. Ce n’est même pas tiré par les cheveux. »
« Je ne voulais pas être la mode »
De passage à Québec ce mercredi, l’écrivain-vedette géniteur de Frank et Claire Underwood, sera confronté à une vision plutôt poétique de son propre texte. Une mise en scène de Marie-Hélène Gendreau qui a, pour reprendre ses mots exacts, « décollé un peu du réalisme». « Ça ne doit pas souvent être monté comme ça, renchérit Charles-Étienne. Marie a une approche très européenne. »
Véronique Bertrand, scénographe d’expérience et collaboratrice de FlipFabrique, a conçu le décor qu’on pourrait grosso modo décrire comme une passerelle surplombant un plancher de verre. Josué Beaucage, lui, signe la musique. « On pourrait s’attendre à beaucoup d’électro, à quelque chose de cinématographique, qui rappelle la bande-annonce contemporaine. On a opté pour le contraire, vu que ces pions-là se désâment au nom de la politique. La quête de leur équilibre de vie est plutôt précaire, donc Josué est parti sur la piste de la batterie. […] pour ne jamais oublier l’homme qui pulse ça. Après, il a ajouté des cordes. »
Année de création oblige, les didascalies ne comportent aucune indication relative aux publications sur les réseaux sociaux. Les protagonistes épluchent les journaux au lieu de consulter leurs fils Facebook ou Twitter frénétiquement, ils s’appellent au lieu de texter. Un passé pas si lointain pour une machine politique qui, au fond, n’a pas tellement changé.
Du 1er au 26 novembre au Théâtre La Bordée