Fuck toute : Piétiner son petit confort
Scène

Fuck toute : Piétiner son petit confort

D’abord présenté sous une forme de laboratoire à la Maison de la littérature de Québec, le spectacle Fuck toute de Catherine Dorion et Mathieu Campagna revient égratigner nos travers à Premier Acte.

Avec Fuck toute, Catherine Dorion et Mathieu Campagna semblent vouloir brasser chacun d’entre nous. Comme une forme longue de la fameuse phrase de Claude Péloquin qui nous demande si nous ne sommes pas écoeurés de mourir (bande de caves). Une alarme qui annonce un mur sur lequel la société risque de s’écraser si nous ne changeons rien.

«Fuck toute, c’est un désir de scrapper ce qui nous empêche d’être nous», lance Catherine Dorion. Pas un «nous» identitaire comme avec la Charte des valeurs, mais plutôt notre essence comme être humain. Ils ajoutent que ce n’est pas un combat idéologique, ni du cynisme, mais une forme d’instinct de survie.

Pointer le diable

Revenons aux débuts. Le titre du spectacle est à la fois un clin d’œil et un ton. Catherine et Mathieu s’inspirent et pigent dans des textes irrévérencieux et des coups de gueule révolutionnaires et incendiaires de plusieurs auteurs, dont le Collectif invisible, le blogue Fuck le monde de Simon-Pierre Beaudet ou Le blog flegmatique d’Anne Archet.

Comme le dit le texte présentant la pièce, ce n’est pas une écriture pour enfants. Cette poésie, car les textes ne sont pas seulement des uppercuts, est fichtrement bien écrite, gratte nos bobos, nos travers, nos absurdités. «L’humain a inventé des trucs abstraits, comme l’argent, qui nous dépassent et finissent par nous posséder», avance Mathieu Campagna, tout en ajoutant que l’humain est probablement le seul animal à avoir peur de trucs qui n’existent pas.

«On s’accroche à l’idée de soi qu’on se construit», ajoute le musicien. Combien de choix faisons-nous, non pas parce que c’est ce que nous voulons faire, mais parce que nous souhaitons préserver notre image, parce que nous voulons suivre la norme, même si elle ne tient pas la route? Probablement trop.

Fuck toute met en relief tous ces moments où nous nous égarons, comme individu, mais aussi comme société. «La société nous rend malades. Pourquoi?» demande Catherine Dorion. Les gens ont souvent peur de perdre quelque chose, mais dans les faits, la plupart du temps, ce n’est pas grave de le perdre.

Malgré tout ce côté révolutionnaire, Catherine et Mathieu ont eu peur d’être trop «cheesy» par moments. Les concepts de bonheur, d’amour et même de ce qu’est l’essentiel ont tellement été utilisés à toutes les sauces que les évoquer semble maintenant ringard ou vide de sens. Comment en parler sans tomber dans les clichés? «La lumière du spectacle vient du cœur, on croit aux gens», explique Catherine Dorion.

La grande vérité, c’est que peu importe si nous sommes un grand sensible ou une grande dure, lorsqu’on sent venir notre dernier souffle, nous avons tous peur de mourir seuls. L’amour revient au cœur des revendications de tout le monde. Alors, pourquoi attendre ce dernier souffle pour s’y attarder?

Fuck toute, nouvelle version

Entre les représentations en mai 2016 à la Maison de la littérature et celles présentées à Premier Acte en novembre de la même année, Catherine Dorion et Mathieu Campagne ont retravaillé la formule. Ils ont été chercher les talents de Jacques Laroche et Jean-François Lemay pour la mise en scène et la scénographie.

Bien que la formule «tout le monde dans le noir» demeure, le duo a tenté de mieux contextualiser les textes, afin de leur donner plus de puissance. «L’art doit servir le message, faire prendre racine aux textes, mais sans faire du divertissement, plutôt faire sentir le propos», précise Mathieu Campagna.

Le but du duo est de faire appel à «l’intelligence des tripes» avant tout. Pour eux, ce n’est pas important si les spectateurs sont d’accord ou non avec les textes, l’objectif est de susciter la réflexion. Et ils y parviennent. Quantité de phrases ou de questions continuent de trotter dans notre ciboulette plusieurs jours après nous être assis dans la salle.

Afin de nourrir davantage la réflexion, une exposition s’ajoute à la pièce. Lorsque le public arrivera à Premier Acte, il découvrira différentes œuvres en lien avec les propos de Fuck toute.

Fuck toute de Catherine Dorion et Mathieu Campagne est présenté
du 29 novembre au 9 décembre 2017

À Premier Acte