LNI : En quête de reconnaissance
En 2017, la Ligue nationale d’improvisation célébrera son 40e anniversaire. Fondée par Robert Gravel et Yvon Leduc, elle fut à l’origine de la popularisation de l’improvisation à la grandeur du Québec et de la propagation de cette discipline dans près de 30 pays.
Malgré ses assises fortes au Québec et son rayonnement à l’international, la LNI ne peut pas s’asseoir sur ses lauriers. Pour une entreprise autofinancée, les défis budgétaires sont constants. L’an dernier, à pareille date, elle lançait sa première campagne de sociofinancement de son histoire avec l’objectif d’aller chercher 50 000$. Pour Étienne St-Laurent, le directeur général de la ligue, bien qu’ils n’aient pas atteint leur objectif, ce ne fut tout de même pas une vaine entreprise.
«La LNI avait peut-être plafonné dans le financement public, s’autofinançant à 80%. On s’est dit qu’il y avait une cote très forte auprès du public face aux matchs d’impro, avec les ligues existantes, les cours d’improvisation dans les écoles et tout. Donc, pourquoi pas y aller dans le sociofinancement, avec des forfaits, de la vente de billets dans l’optique de se financer. On a eu un excellent rayonnement pour la LNI et autour de l’urgence de la situation, plus qu’une réelle réussite financière quant aux objectifs qu’on s’était donnés.»
L’un des problèmes récurrents dans le financement de la LNI, et pour une bonne partie des différentes ligues d’improvisation, c’est sa spécificité. Bien que jugée par des pairs dans les multiples conseils des arts, elle peut difficilement être comparée à une troupe de théâtre. Dans cet ordre d’idées, la LNI a désiré mettre en branle depuis juin une démarche pour inscrire cette spécificité dans la prochaine politique culturelle sur laquelle le gouvernement travaille présentement. Cet automne, ils ont fait paraître un manifeste qui se terminait comme suit:
«Nous appelons le gouvernement du Québec à reconnaître formellement, dans le cadre de la Politique culturelle, l’improvisation théâtrale comme une discipline à part entière et à adapter ses programmes et ses outils de soutien pour assurer la consolidation de ses acquis, son rayonnement et sa pleine évolution.»
Lorsqu’ils ont rendu public ce manifeste, la veille de leur 39e anniversaire, ils ne s’attendaient pas à ce que l’Assemblée nationale adopte une motion à l’unanimité en ce sens. Eux qui croyaient avoir mis le premier jalon d’une longue démarche pour la reconnaissance de leur art ont vu rapidement leur champ de possibilités s’agrandir. François-Étienne Paré, directeur artistique, aimerait bien pouvoir agir dans la prochaine année. «J’aimerais dans un an, lors de notre 40e, qu’on puisse faire des annonces, qu’on puisse annoncer une nouvelle façon de faire dans le milieu.»
Il ne s’agit pas ici d’une démarche strictement pour la LNI, mais bien pour l’ensemble de la discipline qui compte plus d’une centaine de ligues à travers la province. Une reconnaissance de la sorte aurait de grandes répercussions dans le milieu, selon Étienne St-Laurent. «Le jour où il y aura une enveloppe budgétaire pour l’improvisation, ça va permettre de professionnaliser la discipline, des ligues dans lesquelles la qualité est souvent déjà là mais qui sont portées à bout de bras par des gens qui travaillent bien, mais qui travaillent comme des fous!»
Et bien qu’à travers le temps l’improvisation se soit transformée, que certaines ligues se soient créées en opposition au cadre plus rigide du match d’impro comme le propose la LNI, Salomé Corbo – joueuse dans la LNI depuis 15 ans – croit fermement qu’il y a un liant entre chacun des différents types d’improvisation. «Il y a un tronc commun dans toutes les ligues d’improvisation, il y a des règles de base qui sont beaucoup plus grandes que les règles autour du match. Qu’on pense à l’écoute ou à la générosité.»
Selon François-Étienne Paré, les différences entre les ligues et les façons de faire sont d’autant plus de forces pour la discipline. On est rendu à un point où on doit se parler pour une cause commune. «Faut qu’on se regroupe, faut qu’on discute, faut qu’on énonce les réalités. D’une certaine façon, les ligues se parlent, au sens où les artistes se promènent d’une ligue à l’autre. Mais les entités organisationnelles, elles, doivent se parler. Il reste encore beaucoup à faire.»
Pour cette ligue dont les matchs furent un temps télédiffusés, qui a déménagé du Medley au Club Soda et qui est présentement en tournée dans différentes régions de la province, le renouvellement et les nouvelles initiatives sont sur la table. L’année dernière, ils présentaient La LNI s’attaque aux classiques en décembre à l’Espace libre, expérience qu’ils réitèrent une deuxième fois cette année.
Il ne s’agit pas de la première fois que la LNI investit ce lieu et collabore avec ce théâtre, rappelons que Robert Gravel – fondateur de la compagnie de théâtre Nouveau Théâtre expérimental – et sa compagnie sont l’un des fondateurs de ce théâtre. Et c’est sur l’invitation du directeur artistique de l’Espace libre, Geoffrey Gaquère, qu’ils se sont mis à réfléchir à un concept avec François-Étienne Paré. «Il voulait de quoi de festif pour le mois de décembre et finalement, on est arrivés avec quelque chose d’assez pédagogique, mais c’est une proposition qui permet de célébrer le théâtre d’une certaine façon!»
La troupe s’attaque à 11 dramaturges différents à raison d’un par soir. L’année dernière, on passait de Shakespeare à Molière en faisant un détour par Brecht, alors que cette année les spectateurs pourront plonger dans l’imaginaire de Robert Lepage, Luc Plamondon, Tennessee Williams, Marcel Dubé et autres.
François-Étienne Paré, qui assure l’animation, est accompagné d’Alexandre Cadieux – critique théâtrale –, avec qui les comédiens et le public vont passer au travers des différentes clés de compréhension dramaturgiques des œuvres présentées. Après une série d’exercices d’improvisation pour comprendre et saisir l’univers de l’auteur, les improvisateurs se lancent dans une improvisation de 30 minutes, au bonheur du public qui voit se déplier devant lui une création spontanée, mais respectant des codes bien précis.
Après cette escapade à l’Espace libre, la LNI reprendra ses quartiers au Club Soda pour une nouvelle saison dès le 23 janvier 2017. Mais bien au-delà de cette saison, on peut être certain que leurs bureaux de la rue Parthenais ne cesseront de s’activer, l’horaire de la LNI étant encore bien chargé. Le 40e approche en plein cœur des festivités du 375e de Montréal, l’idée d’un Mondial de l’improvisation est dans l’air, mais ils devront poursuivre les démarches pour la Politique culturelle du Québec. Bref, une année de tous les possibles.
La LNI s’attaque aux classiques
Du 7 au 21 décembre
À l’Espace libre