Scène

2016 revue et corrigée : Dire adieu avec le sourire

Jean-Philippe Durand, Simon Leblond, Nadine Massie et Pascal Roberge, auteurs de l’édition 2016 de cette rétrospective humoristique dont Alain Zouvi signe la mise en scène pour la quatrième fois, ont pigé dans les grands titres de l’actualité pour souligner l’absurdité des décisions politiques de nos dirigeants, d’ici ou d’ailleurs, si ce n’est pour rire des dirigeants eux-mêmes, mais aussi dans les sujets plus légers qui moquent ce qui a fait le plus parler le Québec.

Inutile d’être spécialiste de la politique locale ou étrangère pour bien suivre le déroulement du spectacle; cette revue de l’année écorche les sujets bouillants autant du côté de la politique que des émissions télévisuelles et animateurs populaires, personnalités marquantes, vidéos virales du web et faits divers.

Le travail colossal d’Alain Zouvi à la mise en scène fait briller sa talentueuse distribution. Les nombreux talents des interprètes rendent ce spectacle de deux heures fort dynamique et varié. Les numéros chantés, les imitations et les multiples interprétations de personnages s’enchaînent aisément et créent un ensemble assez divertissant. France Parent, Martin Héroux, Amélie Grenier, Marc St-Martin, François Maranda et Julie Ringuette mènent ce marathon humoristique avec énergie sans perdre le souffle.

Même si la revue de 2016 ne va pas creuser dans les sujets et les crises internationales plus difficiles à commenter, elle ne manque pas d’écorcher les leaders les plus près de nous. Un numéro musical, où Julie Ringuette arrive sur scène sous les traits de «Mary Pas-Fine», une Mary Poppins qui vient presser Philippe Couillard (François Maranda) à faire du ménage dans son cabinet de ministres, est particulièrement cinglant et réussi. Se joignent sur scène un Jean Charest ramoneur de cheminées (Martin Héroux) «toujours prêt» à aider, un François Barrette (Marc St-Martin) qui justifie mollement ses coupes en santé et la nièce de Couillard (Amélie Grenier), présente uniquement parce qu’il y a eu des compressions dans les services de garde. Lise Thériault (France Parent), avec son rouleau à pâte et son habit de femme de ménage, se fait expliquer ce qu’est le féminisme, question d’éclairer sa lanterne… La joyeuse bande entame une chanson peu flatteuse à l’endroit du premier ministre, dont les paroles projetées sur écran invitent les spectateurs à participer à ce karaoké inusité.

Un moment particulièrement fort s’entame lorsque Martin Héroux, en conteur traditionnel québécois, arrive sur scène avec une histoire bien particulière; celle dont personne n’a pu prouver l’existence, mais dont tout le monde parle: la légende du burkini… Avec une langue colorée et efficace, le texte souligne avec brio l’absurdité de ce sujet d’actualité qui a fait couler beaucoup d’encre dans le monde. Il confronte notre propre ouverture, notre système de valeurs (avec un clin d’œil à la tristement célèbre charte québécoise) et notre rapport à l’autre avec une bonne dose d’humour et de dérision. Des moments plus loufoques, comme un Charles Tisseyre (François Maranda) qui explique le virus Zika sur l’air de Ziggy de Céline Dion, accompagné d’un moustique (Martin Héroux!) qui danse en duo avec l’animateur de Découverte, trouvent facilement leur place parmi les autres.

Crédit photo : François Laplante Delagrave
Crédit photo : François Laplante Delagrave

Certains moments rendent l’ensemble un peu moins fort et pertinent, particulièrement ces sketches où on s’attaque (gentiment, tout de même) directement à des personnalités publiques, souvent des animateurs connus du public amateur de télévision. Il faut bien connaître les talk-shows et émissions de variétés, parfois même la vie personnelle de ces personnalités pour comprendre les références. Et même en les saisissant, les blagues un peu faciles et sans profondeur qui leur sont adressées tournent en rond. On s’amuse tout de même avec Julie Ringuette qui interprète brillamment une Céline Dion qui se veut près du public québécois ou encore avec Amélie Grenier qui incarne Marthe Laverdière et ses vidéos de jardinage joyeusement grivoises. François Maranda et Marc St-Martin sont hilarants en personnifiant avec justesse de nombreuses personnalités d’ici. Mention spéciale à la Denise Filiatrault survoltée de Marc St-Martin, qui n’a «pas dormi depuis 1982», apparaissant à différents moments du spectacle.

2016 revue et corrigée est une façon amusante et légère de mettre aux oubliettes une année difficile et complexe en omettant les sujets trop lourds. Une petite pause qui se prend bien.

Présenté au Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 7 janvier 2017.