Sa première pièce So Blue était plus instinctive. Elle avait été créée «de l’intérieur», sans que la chorégraphe utilise la caméra pour prendre du recul ou pour émettre un jugement sur la gestuelle et les séquences qui émergent de son processus en studio: «Je sentais qu’il y avait une pièce à naître qui serait pure et naturelle.»
Mille Batailles est issue d’un élan différent. Louise Lecavalier a laissé de côté ses «vieilles peurs de danseurs», soit celles de s’observer en vidéo. «J’aurais dû apprendre avec les années qu’on se trouve moche cinq minutes puis on s’habitue à se regarder.» L’utilisation de cet outil lui aura permis de développer une nouvelle perspective et de créer une œuvre plus graphique: «En répétition, je me filmais de loin, donc je me percevais comme un personnage qui se promenait dans l’espace, dans un cadre.»
Ce sont des images des films japonais du dessinateur et réalisateur Hayao Miyazaki qui ont d’abord habité son esprit avant même que le Chevalier inexistant d’Italo Calvino ne lui serve de moteur créatif. Louise Lecavalier souhaitait s’éloigner des émotions et des déchirements réels souvent exprimés en danse contemporaine: «J’ai voulu voir le personnage de façon abstraite. Un personnage qui se bat, mais pour des combats plus métaphoriques.»
Louise Lecavalier partagera la scène avec Robert Adubo qu’elle a choisi surtout pour son énergie «zen». Un duo observé par un troisième personnage, Antoine Berthiaume qui joue la trame sonore depuis la scène et qui «surveille l’action», tel un témoin.
En constante évolution
La chorégraphe aime se transformer. Récipiendaire du 29e Grand Prix du Conseil des arts de Montréal en 2014 pour l’ensemble de sa carrière et pour sa première pièce So Blue, Louise Lecavalier dit avoir besoin de temps pour y arriver. Du temps pour opérer un changement intérieur. «Quand je suis dans une pièce, je pense pouvoir me définir, puis dès que je la termine, je réalise que je suis déjà ailleurs.»
Forte de son expérience comme interprète, notamment pendant 18 ans pour la compagnie La La La Human Steps, le chapeau de chorégraphe lui aura permis de se rapprocher de son essence: «Il y avait une autre partie de moi plus naïve et plus étrange, un côté bande dessinée que je ne pouvais plus travailler avec Édouard. Je suis revenue à des choses plus près de moi avec la chorégraphie.» Une étape marquante pour une artiste dont la carrière était déjà riche au moment où elle a décidé de s’affirmer en création. «Si j’avais arrêté de danser sans faire ça, j’aurais manqué beaucoup de choses de moi-même. Je me suis connue encore plus en faisant ces pièces-là.»
Mille Batailles
Louise Lecavalier
8 au 10 mars à l’Usine C
Les 12 et 13 décembre 2017 au Grand Théâtre de Québec
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