Scène

Le Patin Libre : Lames en liberté

C’est presque plus facile de dire ce que Le Patin Libre n’est pas: ce n’est ni du patinage artistique, ni de la danse sur glace, ni de la danse contemporaine en patins. Pourtant, à voir Vertical Influences, on comprend tout ce que Le Patin Libre est.

Exit les paillettes, les visages hyper maquillés au sourire forcé et les jupettes à froufrous, clichés ultimes du patinage de fantaisie. Lorsque les artistes-patineurs de la troupe montréalaise Le Patin Libre embarquent sur la glace, c’est un art inédit qui se déploie sous les yeux des spectateurs. «Le patinage contemporain, c’est un peu ce que le cirque est à la gymnastique!» expose Pascale Jodoin, l’une des cinq membres de la troupe. «Ç’a été un truc complexe à nommer! On pourrait dire que c’est une forme de danse, car c’est le mouvement qui prime. Et contemporain, parce que c’est une façon actuelle d’utiliser un médium. Mais on hésite à dire que c’est de la danse contemporaine sur glace, parce qu’on ne transpose pas la danse sur la patinoire. C’est d’ailleurs ce qu’on reproche au patinage artistique classique: de faire un pastiche avec le tango sur glace, la valse sur glace…»

Photo : Alicia Clarke
Photo : Alicia Clarke

Conservateur, le milieu du patinage a d’abord mal réagi à la naissance du Patin Libre. «La troupe est née d’un désir de s’échapper des règlements, des contraintes, des compétitions. Il y avait ce désir de créer une nouvelle avenue pour le patin: quand tu es patineur professionnel, tu fais Disney on Ice et Holiday on Ice… et c’est tout! Certaines personnes attachées au patin traditionnel ont pu voir cette rébellion comme une attaque. Elles avaient peur… mais maintenant, elles viennent nous voir!»

Photo : Alicia Clarke
Photo : Alicia Clarke

Ce qui importait à la troupe fondée par Alexandre Hamel en 2005 et composée d’anciens patineurs de haut niveau, c’était d’identifier ce qu’elle avait d’unique à offrir au milieu artistique. «On a trouvé ce que les danseurs, les artistes du cirque ne peuvent pas faire: la glisse. Nous, on se déplace à 30 km/h en gardant le corps immobile! C’est cette grande idée qui a été intégrée dans nos recherches chorégraphiques.» Puisque, comme le dit le proverbe, nul n’est patineur-prophète en son pays, c’est en Europe que les patineurs (Samory Ba, Jasmin Boivin, Taylor Dilley, Alexandre Hamel et Pascale Jodoin) ont d’abord trouvé un intérêt pour leur création.

«On a eu beaucoup plus de succès à l’international [“A breath of fresh ice”, titrait The Guardian] qu’au Québec. On trouvait ça difficile de s’exiler pour trouver des opportunités, mais avec le recul, on se rend compte que ça nous a poussés à être plus créatifs dans notre travail. Maintenant, on sent plus d’ouverture au Québec.» C’est le cas de La Rotonde, diffuseur spécialisé en danse contemporaine, qui inclut le programme double Vertical Influences dans sa saison 2016-2017 en coreprésentation avec le Grand Théâtre de Québec. Et puisqu’il faut une patinoire, c’est celle de Val-Bélair qui accueillera la troupe. Un lieu surprenant pour une création qui l’est tout autant.

Photo : Alicia Clarke
Photo : Alicia Clarke

Patinée (et non dansée) en premier, la pièce Influences est une sorte de chassé-croisé sur glace, que les spectateurs admirent à partir des gradins. Créée à la suite d’une résidence d’artistes du Jerwood Project au Théâtre Sadler’s Wells de Londres et avec le soutien de la dramaturge Ruth Little, Influences explore les tensions d’un groupe avant que s’établisse l’harmonie. La deuxième partie, Vertical, amène littéralement le spectateur dans l’univers unique du patin contemporain… en le faisant asseoir sur la glace! Pour Pascale Jodoin, le contact avec le public est intense. «Non seulement le public est avec nous, mais ça lui donne une perspective complètement différente. Il entend le son des lames sur la glace, il sent le vent lorsqu’on passe tout près. C’est un plaisir pour nous d’amener les spectateurs sur notre terrain de jeu!» Et la patineuse de rassurer qu’aucun délicat postérieur ne ressort gelé du spectacle: «On fournit des coussins et des chaises, quand même!»

En abandonnant le carcan du patinage artistique, Le Patin Libre désire amener l’art contemporain au plus grand nombre. «C’est important pour nous d’être accessibles», explique Pascale. «Les enfants sont les bienvenus, même que parfois, on a l’impression qu’ils comprennent mieux que les adultes! On veut attirer un autre public, qui n’irait peut-être pas voir de la danse contemporaine, et que ça lui donne envie d’aller voir de la danse “sur pieds”!»

Vertical Influences
Le Patin Libre

4 et 5 mars 2017
Aréna des Deux Glaces de Val-Bélair

Une coprésentation du Grand Théâtre de Québec et La Rotonde