Scène

Ivresse : La marchandisation de l’amour

Le Théâtre La Chapelle accueille la pièce Ivresse, un portrait de la relation amoureuse moderne au temps de l’instantanéité, de la quête constante de sens, d’expériences enivrantes et de plaisirs qui passent. Entrevue avec Mireille Camier, metteure en scène.

Écrite par Falk Richter, qui puise son inspiration dans l’actualité et certains sujets inévitablement contemporains, Ivresse explore la relation à deux dans notre monde actuel, où l’insatiabilité chronique brouille les notions d’amour, de proximité et d’intimité. L’écriture de Richter, une écriture en direct sur l’actualité mondiale, «une dramaturgie d’ici et maintenant» qui questionne le rapport à autrui dans le chaos médiatique et visuel qui nous entoure allait de pair avec les préoccupations artistiques de Mireille Camier. «J’ai l’impression qu’on a de moins en moins la capacité de se mettre dans la peau de l’autre, de le comprendre et d’entrer dans son univers, affirme la créatrice. L’empathie est un thème récurrent pour moi et le texte Ivresse de Richter allait dans sens-là; il questionne la relation à l’autre dans la relation amoureuse, qui est un peu en crise en ce moment. On est tellement centrés sur nos besoins personnels, c’est vraiment difficile d’entrer dans l’univers de l’autre et d’accepter les compromis».

Mireille Camier a pu travailler comme assistante aux côtés de Richter, une expérience qui lui a permis d’approfondir sa compréhension de l’écriture de l’auteur allemand et d’adapter Ivresse aux événements récents de l’actualité québécoise, en plus d’exposer les mêmes problématiques de la vie à deux vécues ici. «Il parle de la relation amoureuse qui est hyper affectée par le système de consommation. On est toujours dans l’intime et le politique dans le spectacle. Le fait qu’on recrée le système économique comme des bons consommateurs, qu’on ait toujours de nouveaux besoins crées par la publicité et les médias, qu’on soit des êtres constamment en crise avec de nouveaux besoins affectent nos relations».

Mireille Camier invite le spectateur à une véritable rencontre avec l’acteur dans cet événement ludique où l’espace scénique sera meublé de caméras et de retransmissions en direct sur écrans géants, clin d’œil aux images médiatiques omniprésentes au quotidien. «C’est dans ma démarche artistique depuis toujours: j’essaie de développer la relation avec le spectateur parce que je crois profondément que le théâtre doit encenser beaucoup plus l’instant présent et cette relation-là. C’est ce que les autres arts ne peuvent pas donner. Cette rencontre-là ouvre le désir d’encenser ce moment-là et le faire vivre beaucoup plus comme une expérience sensorielle. L’enjeu de l’acteur c’est de communiquer avec le spectateur, à l’image du couple, quand un partenaire essaie d’atteindre l’autre en y ayant difficilement accès».

En collaboration avec Emmanuel Jouthe aux chorégraphies, la metteure en scène a voulu intégrer le spectateur à la pièce sans l’instrumentaliser, lui laissant une place de choix pour être témoin de l’évolution dramaturgique sans en faire un accessoire de scène. Alexis Lefebvre, Catherine-Audrey Lachapelle, Sarianne Cormier, Nicolas Labelle et Nico Lagarde forment la distribution d’Ivresse, à la recherche d’un sens à la vie amoureuse à l’ère des applications de rencontres, des besoins individuels impatients d’être comblés rapidement, à l’instar d’une société de consommation frivole et chaotique. «Le texte est construit sur toute une première partie qui décrit notre monde individualiste et c’est ensuite surgissent les questions: est-ce qu’on peut aller vers l’autre? Est-ce qu’on peut aller vers le collectif? Est-ce qu’un engagement citoyen est possible?»

Ivresse
À La Chapelle

Du 8 au 18 mars 2017